« En grandissant, j’ai rêvé de devenir chorégraphe. Le lien très étroit entre la danse, le mouvement, la posture et le vêtement me fascine», explique Alain Paul, le créateur et cofondateur de la marque AlainPaul.
Après avoir étudié à l’Ecole nationale supérieure de ballet de Marseille-sous la direction de Roland Petit, de Marie-Claude Pietragalla et de la compagnie (La)Horde-, il s’oriente vers le stylisme, finit ses études à Paris, rejoint la toute nouvelle maison de couture Vetements, puis le studio de Virgil Abloh chez Louis Vuitton. Aujourd’hui, dans sa deuxième collection, il invente une idée alternative du vestiaire du danseur: les justaucorps et pantalons d’échauffement servent de base à la collection et fusionnent avec les tenues de soirée. Les robes, les sweats à capuche, les hauts sont coupés verticalement au centre du dos pour tomber en pans de chaque côté, le tutu se réinvente, tandis que des cuissardes en satin évoquent les pointes des danseuses.
Vous avez dit : «Je veux chorégraphier le vêtement». Que voulez-vous dire par là ?
Mon processus de création est proche de celui d’un chorégraphe. Je veux introduire aux vêtements une dimension de mouvement et de vie, comme celle que l’on retrouve dans la danse. Ayant été danseur, je perçois le corps comme un instrument d’expression, capable de communiquer des émotions et des histoires à travers ses mouvements. J’aime concevoir des vêtements qui accompagnent le corps, l’enrichissent et lui apportent une posture. J’aime l’idée qu’un vêtement soit une performance en soi, où chaque pièce interagit avec les autres, comme les danseurs dans une chorégraphie.
Quelles similitudes entre l’approche chorégraphique du corps et celle du vêtement?
Chaque collection est pensée comme une chorégraphie, avec ses rythmes, ses moments d’intensité et ses pauses. Je trouve l’approche d’un chorégraphe avec ses danseurs très similaire à celle d’un styliste avec le vêtement. J’aime que l’on ressente le degré de performance, qu’il soit dans l’effort ou dans l’illusion d’être sans effort. Un vêtement peut souligner les lignes du corps et ne laisser place qu’à la gestuelle, ou effacer les formes et créer une sorte d’illusion qui raconte autre chose.
Dans la danse contemporaine, la distinction entre le haut et le bas du corps s’efface, et j’adore cette approche. Dans mon premier défilé, j’ai exploré l’idée d’une jupe qui voyage autour du corps, se transformant tour à tour en top puis en robe.
Vous voulez mettre le vêtement en mouvement…
Je suis passionné par l’idée d’intégrer une posture dans un vêtement statique et de l’orienter vers un mouvement pour exprimer un sentiment. Je ne cherche pas à créer un geste dans mes créations de façon systématique. Certaines pièces sont inspirées du geste, d’autres de la posture. Je pense ma collection comme une garde-robe où les pièces se complètent. Certaines sont des accents toniques, tandis que d’autres, plus « normcore » et réalistes, entourent les premières comme un corps de ballet. C’est cette dualité qui m’inspire le plus.
Propos recueillis par Anne Delalandre