Rencontre avec le créateur italien Andrea Adamo, qui, en quelques années, a réussi à imposer un style bien à lui, élégant et sexy, fort et audacieux : silhouettes atypiques, formes moulantes, pour des pièces qui s’adaptent au corps comme une deuxième peau.
Vous avez travaillé aux côtés d’Elisabetta Franchi, puis chez Roberto Cavalli, chez Zuhair Murad à Paris et dans l’atelier de Dolce & Gabbana en tant que styliste en chef pour les célébrités et les projets spéciaux. Qu’en avez-vous retiré ?
Andrea Adamo. Toutes mes expériences professionnelles ont contribué à me façonner en tant que styliste. Les premières étapes sont une période de formation cruciale qui permet de développer la conscience nécessaire pour relever les défis d’une marque émergente. Chez Elisabetta Franchi, j’ai appris la persévérance et la détermination, des qualités que j’ai toujours admirées chez elle. Chez Roberto Cavalli, j’ai compris l’importance du passé pour façonner le présent, car j’ai eu l’occasion d’étudier en profondeur les archives historiques de la marque. En travaillant avec Zuhair Murad à Paris, j’ai acquis une expérience de la haute couture et du monde du tapis rouge. Je suis également très reconnaissant aux couturières et aux modélistes de l’atelier Dolce & Gabbana, avec qui nous avons travaillé sur de magnifiques projets pour des stars internationales.
Vous n’avez pas étudié la mode. Quel est votre parcours ?
Je suis né en Calabre, et c’est dans ce pays, difficile et merveilleux, que le rêve de devenir styliste de mode a grandi en moi, alors que je jouais dans l’atelier de tailleur de ma grand-mère lorsque j’étais enfant. A Bologne, j’ai poursuivi mes études et, grâce à mes premières expériences professionnelles en tant que styliste, j’ai appris la signification et l’importance de la détermination pour réussir un projet auquel on croit. A Paris, j’ai eu l’occasion de poursuivre mon parcours dans un contexte international, en travaillant dans la haute couture pour des créateurs qui m’ont permis de côtoyer des célébrités de renommée mondiale. Milan est ensuite devenue ma maison, et c’est ici que j’ai choisi de donner naissance à mon projet personnel et de partager mon point de vue avec l’industrie, dans le but de faire partie d’une nouvelle génération de talents italiens qui peuvent représenter une renaissance de la créativité italienne dans la mode.
Vos vêtements ont une spécificité : ils se confondent avec le corps. Le protègent-ils ou le révèlent-ils ?
Mon esthétique se définit par une nudité qui se moule au corps de ceux qui portent mes vêtements. Dès le début de
mon projet, j’ai décidé que ma palette de couleurs nues n’aurait pas de noms mais des codes. La couleur de la chair, la couleur de la peau, la couleur du nu varient d’une personne à l’autre. Par exemple, ce que d’autres marques appellent “chocolat brun”, pour moi, c’est la couleur “Nude 03”. Il est essentiel pour moi que chacun soit fier de son corps et puisse exprimer librement ses formes et la couleur de sa peau. J’aime l’idée de vivre la nudité comme une vérité, comme un élément d’expression de son identité sans honte ni préjugé. Ainsi, les vêtements, avec leurs coupes et ouvertures essentielles, jouent à dévoiler la peau et aspirent à devenir eux-mêmes une seconde peau. La maille se prête parfaitement à cette fonction enveloppante, révélant avec force et sensualité les formes du corps. Le corps est au centre de mon esthétique, fièrement exalté dans sa réalité.
Sur votre site web, vous déclarez : “Il n’y a pas de raison d’avoir honte : ANDREĀDAMO, c’est le courage, la force et la fierté”. Pouvez-vous développer cette affirmation ?
Ma collection est naturellement sensuelle : mon travail vise à mettre en valeur et à souligner les courbes du corps avec naturel avec une touche de provocation qui renforce cette excitation. La positivité du corps est au cœur de mon esthétique. Pour moi, la nudité est synonyme de vérité et d’égalité : les différences ne sont visibles que pour les yeux. Chacun peut être fier de son corps, dans son unicité et sa diversité. La confiance en soi est tout pour moi : j’ai créé une mode qui permet aux individus de s’exprimer, où les vêtements prennent vie et deviennent uniques, suivant la forme de chaque corps. C’est pourquoi je définis ma collection comme wo(man), allant au-delà du concept de genre. Tout le monde peut porter les vêtements que je crée pour incarner pleinement ce qu’il veut être. La honte naît des étiquettes, un état mental imposé par la société, ce que je déteste depuis mon enfance.
Les célébrités portent vos vêtements. Cela contribue-t-il à votre succès ?
Je crois que chaque femme est unique à sa manière. Toutes les célébrités avec lesquelles j’ai eu l’occasion de travailler au cours de mon parcours professionnel m’ont appris quelque chose. Des femmes belles, admirées et couronnées de succès, toutes éblouissantes dans leur personnalité individuelle. Je suis convaincue que la clé du succès est d’être fidèle à soi-même dans son style. Il n’est pas nécessaire de suivre les tendances, mais il est important de les créer en fonction de son propre goût et de sa propre identité. J’espère habiller des femmes et des hommes à forte personnalité, des individus qui portent des valeurs positives et ont un message à partager. J’admire beaucoup le courage de l’activiste Angela Davis du mouvement afro-américain, ou de la danseuse brésilienne Ingrid Silva, dont l’histoire m’a profondément touché. Madame Silva a commencé à danser à l’âge de 8 ans et a immédiatement pris position dans la lutte pour l’égalité des droits. Elle a publiquement dénoncé la discrimination qui obligeait toutes les danseuses de couleur à peindre leurs chaussures de ballet avec du fond de teint pour qu’elles correspondent à la couleur de nudité de leurs homologues blanches, car personne ne produisait de chaussures de ballet dans des tons de peau différents. Silva s’est également impliquée dans de nombreuses causes sociales en défendant l’égalité et en soutenant les personnes dans le besoin. Ce sont ces personnalités que j’aimerais encourager par mon travail et soutenir dans leurs combats.
Propos recueillis par Oscar Léon
Photographie principale : © Courtesy of Andreadamo
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