Pour célébrer ses 100 ans, la maison Buccellati présente une grande exposition pendant la Biennale de Venise.
Sont exposés les plus extraordinaires pièces d’orfèvrerie et de joaillerie de la maison italienne, révélant la noblesse du “classique” et son caractère intemporel. Entretien avec Maria Cristina Buccellati, directrice de la communication et de l’image de la maison, et son frère Andrea, le directeur créatif.
La famille est essentielle pour Buccellati. Andrea, votre fille Lucrezia collabore parfois avec vous, et une collection porte le nom de Maria Cristina…
Andrea Buccellati. J’ai tout appris de mon père, et j’espère tout transmettre à mon tour. Les générations de créatifs de la famille doivent maintenir le style.
Maria Cristina Buccellati. A 16 ans, je voulais absolument un bracelet. Mon père m’a dit : “Non, tu n’as pas l’âge, tu es trop jeune.” Comme j’étais un peu fâchée, il a ajouté : “Je donne ton nom à la collection, et plus tard tu auras le bracelet.” Il a appelé la collection Macri, le diminutif de mon prénom. A 18 ans, il m’a offert le bracelet.
C’était votre premier bijou Buccellati ?
Maria Cristina. Mon premier bijou Buccellati, c’est mon frère Andrea qui me l’a fait, quand il allait dans les ateliers pour apprendre. Une magnifique bague que j’ai encore, toute en or avec mes initiales gravées au centre.
L’exposition ouvre sur un papillon : un symbole ?
Andrea. Oui, de la transmission. Buccellati a toujours fait des papillons, une forme inspirante qui permet de mettre en valeur toutes les techniques de la maison. Il y a quatre papillons : un de mon grand-père, un de mon père, un de moi et un de moi en collaboration avec ma fille Lucrezia. Une des inspirations a été Amour et Psyché, du sculpteur Antonio Canova, où Psyché dépose un papillon dans la main de l’Amour, symbolisant leur union.
Maria Cristina. L’exposition est divisée en quatre parties: l’évolution est remarquable, en restant fidèle au style.
Andrea. Notre style est très différent des autres bijoutiers, car nous utilisons des techniques de travail qui remontent aux traditions de la Renaissance italienne. Mon grandpère a créé le style inspiré de la nature et de l’architecture, puis mon père a pris la suite, avec un style personnel, plus baroque. Il aimait les fleurs, les feuilles, les mouvements, les pièces très souples… Mon style est un peu plus géométrique, moins baroque, plus épuré. Le style reste, mais chacun y met son goût et son idée du dessin.
La pièce qui a le plus de valeur sentimentale à vos yeux?
Maria Cristina. J’aime immensément les boucles d’oreilles en tulle avec les Buccellati Diamonds Cut. Il y a aussi une bague avec une topaze impériale magnifique. Celle-là, elle reste vraiment dans mon cœur. Je n’ai jamais voulu savoir qui l’avait achetée…
L’exposition s’intitule Le prince des orfèvres. Redécouvrir les classiques. Le prince, c’est votre grand-père. Pourquoi les classiques?
Andrea. Mon concept de style est classique. Cela signifie que nous ne suivons pas les tendances de la mode. Nous créons des bijoux élégants, que l’on peut porter toute la vie, des bijoux intemporels.
Maria Cristina. C’est comme une signature, celle d’Andrea est différente de celle de mon père et de mon grand-père, mais c’est toujours un bijou Buccellati. Par exemple, le collier Hawaii que je porte aujourd’hui est une pièce qui date des années 1930, mais qui est tout à fait moderne. Pour mettre en valeur son patrimoine, la maison inaugure aussi une initiative intitulée «Partagez vos souvenirs et faites partie de notre histoire»…
Andrea. L’idée est de réaliser une collection privée de pièces anciennes. Où les clients partagent avec nous l’histoire de leurs bijoux.
Maria Cristina. Une adorable dame d’un certain âge, un jour, nous appelle en nous disant : “J’ai des boucles d’oreilles que mon mari m’a offertes pour mon mariage. J’aimerais vous les donner pour partager avec vous mes sentiments.” J’ai trouvé cette femme incroyablement émouvante. Nous essayons de collecter des histoires de clients… qui ont vécu avec Buccellati. Et partager les émotions qu’ils ont eues avec nos bijoux. C’est important pour nous de savoir les histoires que cachent nos pièces.
Qu’est-ce qui fait que vos bijoux séduisent toujours les jeunes générations?
Maria Cristina. Je pense que les jeunes sont sensibles à notre savoir-faire. Nous faisons des bijoux qui ne suivent pas les modes. Au contraire, ils restent fidèles à notre style, ce qui nous permet de nous démarquer de la concurrence et nous donne une certaine force vis-à-vis d’elle. Il y a des évolutions créatives entre les différentes générations mais notre signature ne change jamais.
Exposition «Le prince des orfèvres. Redécouvrir les classiques», du 18 avril au 18 juin 2024. Oficine800 Fondamenta S. Biagio, Venise, Italie.
Propos recueillis par Anne Delalandre
Photographie principale © Buccellati
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