Cinq fois champion du monde d’apnée, quadruple recordman du monde et français le plus titré de l’histoire de l’apnée, Arthur Guérin-Boëri s’attaque à un autre défi: le record du monde sous glace et sans combinaison. Il prépare aussi une série documentaire sur un champion d’apnée parisien qui découvre les enjeux écologiques de l’océan. Rencontre.
Comment as-tu découvert l’apnée ?
Arthur Guérin-Boëri: J’ai été très marqué par Le Grand Bleu, que j’ai découvert à l’âge de 10 ans. L’histoire ressemble à la mienne : un personnage un peu détaché, qui vit dans une ambiance méditerranéenne, dont la mère est partie, mais avec un père très présent… En 2013, contre toute attente, je suis devenu champion du monde en apnée dynamique à la brasse, avec un record du monde à la clé, puis, en 2016, un record de 300 m en piscine, et, en 2017, j’ai nagé 175 m, le record du monde de distance sous glace avec palmes et combinaison. Aujourd’hui, j’ai décidé de repartir à l’assaut d’un nouveau record sous la glace, en eau très froide: il faut que je nage 80 m ( le record est de 77 m ) à la brasse, sans palmes et sans combinaison. C’est la manière la plus pure.
Il te faudra combien de temps ?
A.G-B. Environ 2 minutes.
Cela doit être angoissant d’être sous 60 cm de glace ?
A.G-B. Pas vraiment. Sous la glace, on se sent bien, c’est beau et apaisant, lunaire, avec une lumière laiteuse. Lorsque je pars pour une performance extrême dans un milieu hostile, je fais deux heures de préparation, relaxation, concentration, ventilation… qui m’ont mis dans un état hypnotique. Il y a une forme d’abandon qui me dépasse et me transcende. Je suis là pour accomplir mon destin. J’aime prendre l’exemple de Neil Armstrong : quand il a posé le pied sur la Lune, je suis certain qu’il s’en fichait de savoir s’il allait rentrer ou pas. Il était en train d’écrire une page pour lui et pour l’humanité. Je pense aussi à Baumgartner, qui s’est jeté en chute libre de sa plateforme : il savait qu’il risquait de mourir, il n’avait pas peur, il s’est abandonné à sa destinée.
C’est ce qui te plaît le plus, dans l’apnée ?
A.G-B. C’est grisant et bénéfique en termes d’équilibre physique, physiologique et psychique. Les immersions en eau froides ont des impacts sur le système immunitaire, lymphatique, la qualité du sommeil, la récupération musculaire , la dépression, la maladie d’Alzheimer… Apprendre à dépasser un réflexe de survie primaire, qui est l’envie de respirer, impose une gymnastique mentale, un travail fantastique sur la confiance en soi.
Comment sais-tu que tu es à la limite ?
A.G-B. Il y a une différence entre l’envie et le besoin de respirer. L’envie de respirer arrive assez vite. Personnellement, je n’ai jamais ressenti le besoin. Si on tombe en syncope, automatiquement, dans l’inconscience, on se remet à ventiler. Donc, il y a une règle numéro un : être toujours surveillé par un professionnel, ne jamais être seul dans l’eau.
Qu’est-ce qui est plus important, le mental ou le physique ?
A.G-B. Le mental, absolument !
Tu prépares une série documentaire…
A.G-B. Oui, Les Gardiens : un champion d’apnée parisien part à la découverte des océans et des gens qui vivent avec l’océan avec ses yeux de citadins pour se confronter aux enjeux écologiques et témoigner. L’apnée est un sport très visuel avec un potentiel de communication énorme. L’apnée a beaucoup de vertus pour le système immunitaire, lymphatique, récupération musculaire, Alzheimer… que je veux explorer pour le milieu médical.
Propos recueillis par Anne Delalandre
Photographies de Sébastien Moreau, Alexandre Voyer et Florian Gruet
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