On a tous dans le cœur un morceau de terre adoré. Un décor familier qui ranime immanquablement la flamme des jours heureux.
Celle qui brille dans les yeux de l’actrice-réalisatrice Bérangère McNeese quand elle évoque le Kentucky natal de son père est sans équivoque : «J’ai passé toutes mes vacances dans ce havre de paix hors du temps. C’est un peu ma deuxième maison. Enfin, la troisième, après Paris, où je vis, et Bruxelles, où j’ai grandi», dit cette jeune femme de 35 ans. Avec sa grâce naturelle et son charme fou, le cinéma, la télévision et le théâtre ne pouvaient que lui faire les yeux doux. Résultat, Bérangère McNeese crève autant l’écran qu’elle brûle les planches: comédie (Like Moi), genre burlesque (Des gens bien), drame (Le Viol), série policière (HPI)… rien ne lui résiste.
«J’ai la chance de ne pas être cataloguée dans un seul registre, reconnaît-elle, fière de suivre les traces de sa grand-mère paternelle chérie. Elle n’a pas hésité à quitter le Kentucky pour devenir actrice à New York et a joué jusqu’à la fin de sa vie. La recherche de sa reconnaissance m’a poussée dans mes choix artistiques.» Au Panthéon de ses films préférés ? This Is England de Shane Meadows et César et Rosaliede Claude Sautet. «Plus que les films de trajectoire, d’esthétique ou de narration, j’aime les films de personnages où se révèle toute la complexité de l’être humain.»
A 8 ans, Bérangère commence l’apprentissage du métier, multipliant les apparitions dans des publicités, puis les allers-retours Bruxelles-Paris en car pour se rendre aux castings. Ni son père, bassiste professionnel, ni sa mère, psychologue, ne l’en dissuaderont. «Ils savaient que j’étais bonne élève et que quoi qu’il arrive, je me débrouillerais. Je me revois encore en train de traverser le pont des Arts… quelle émotion ! J’avais l’impression de vivre un fantasme.» Qui devient vite réalité : après un passage éclair au Cours Florent et plusieurs petits rôles, Bérangère intègre Eyjafjallajökull (2013), son premier film d’envergure, aux côtés de Dany Boon et de Valérie Bonneton. A partir de 2016, elle est de plus en plus demandée. «Pour avoir passé de nombreux castings, j’ai beaucoup appris de mes échecs. Mais, lorsque la caméra se met à tourner, il faut se faire confiance. Chez moi, l’angoisse n’est pas du tout source de créativité.»
Récemment, c’est Jamel Debbouze, coréalisateur et producteur de Terminal, sitcom déjantée signée Canal+, qui lui a confié le rôle-titre féminin : Charlie, une pilote ultra-rationnelle confrontée à un équipage de bras cassés. «Bérangère nous a tous mis par terre. Elle a ce génie. Elle va devenir une immense star», confiait en avril dernier son partenaire Ramzy Bedia à TV Magazine. Le compliment émeut d’autant plus l’intéressée que le tournage fut schizophrénique. «Dès que je quittais les plateaux, je filais sur ceux de HPI et de Lycée Toulouse-Lautrec (deux séries TF1), avant de donner la réplique le soir à Stéphane De Groodt (Un léger doute) au Théâtre de la Renaissance.» Mais cette bosseuse, qui adorerait tourner avec Jacques Audiard et Andrea Arnold, aime repousser les limites. Après avoir réalisé trois courts-métrages (Le Sommeil des Amazones, Les Corps purs et Matriochkas), elle vient de signer la réalisation de son premier long-métrage : Filles du ciel, l’histoire d’une adolescente qui, après avoir fugué, va partager la vie en communauté de deux autres jeunes femmes. «Le regard que l’on pose sur la féminité d’une jeune fille lors de son passage à l’âge adulte m’intéresse. C’est une période qui m’a marquée et qui me marque encore profondément.»
Patricia Khenouna
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