C’est l’une des plus brillantes étoiles montantes de la joaillerie. A seulement 27 ans, Emmanuel Tarpin a déjà tout d’un grand : sa propre marque, le respect de la profession et même les honneurs du prestigieux New York Times. Lorsqu’il parle bijou, confortablement installé dans le boudoir de l’hôtel chic où il nous a donné rendez-vous, son débit est presque aussi survitaminé que le jus d’orange-carotte qu’il est en train de siroter. « Enfant, je collectionnais les minéraux et je chipais à ma mère ses exemplaires de Point de vue pour admirer les diadèmes des princesses ! Je rêvais de parcourir le monde à la recherche de pierres précieuses », raconte cet amoureux des grands espaces qui voue un culte au Caravage, craque pour l’art cinétique et les vêtements de la créatrice de mode Iris van Herpen. A l’âge où les adolescents rêvent de se voir offrir par leurs parents un road trip au pays de l’Oncle Sam, Emmanuel suit les siens vers des contrées exotiques, caracolant au beau milieu de la steppe mongole, dormant dans des temples bouddhistes au Japon ou voyageant au milieu des poules à bord du Transsibérien. « Cette multitude de cultures et de couleurs m’a beaucoup inspiré. »
Lorsqu’il débarque à Paris, dès sa sortie de la Haute école d’art et de design de Genève, il est embauché comme joaillier chez Van Cleef & Arpels à l’issue d’un stage. Il y restera trois ans et demi, le temps d’apprendre toutes les facettes du métier. Mais l’envie de créer ses propres pièces le rattrape, et Emmanuel lance sa société en 2017. Bingo. Son tout premier bijou, une spectaculaire paire de boucles d’oreilles représentant des feuilles de géranium en or jaune et aluminium vert serties de diamants, s’envole chez Christie’s New York pour 25 000 dollars ! Mais Emmanuel garde les pieds sur terre. Plutôt que de prendre la grosse tête parce qu’il a gagné deux prix à New York ou que les charmants lobes de Rihanna arborent ses créations, il préfère cultiver sa singularité. «Je produis peu, des pièces exclusives, très inspirées du monde végétal ou animal, et j’aime prendre le temps de rencontrer les gens pour leur expliquer l’histoire de chacune d’elles.» Celle de la broche hortensia lui ressemble tant. « Afin d’en renforcer le réalisme, j’ai prélevé une empreinte à la cire directement sur les fleurs du jardin de notre maison familiale au bord du lac d’Annecy ! Le massif avait été planté par mes arrière-arrière-grands-parents. A l’automne, lorsque les têtes d’hortensia commencent à faner, certaines parties deviennent marron-jaune, alors que d’autres virent au pourpre. » Un miracle de la nature auquel Emmanuel a donné vie à coups d’or vert, d’or jaune, d’aluminium, de diamant blanc, de rubis et de spinelle.
Ce fondu de sculpture, un art qu’il a pratiqué pendant quatorze ans, façonne toutes ses pièces à la main. Ses matières de prédilection ? L’or, qu’il soit jaune, rouge, rose ou vert, les émeraudes, les saphirs, « qui autorisent des dégradés étonnants », et surtout l’aluminium. « Le contraste entre le mat du métal et la brillance des pierres me plaît. En raison de sa légèreté extrême, l’aluminium rend la plus volumineuse des pièces agréables à porter et s’accommode aussi bien d’une tenue de gala que d’un jean. »
Séduite par la spontanéité de ce surdoué, la maison de Grisogono, réputée pour ses parures exubérantes, a fait de lui son premier talent en résidence. « J’ai hésité, car je ne voulais pas que cela m’empêche de créer mes propres pièces. Si mon style est franchement différent du leur, c’est une maison qui ose les volumes, les matières, les dégradés… Nous ne pouvions que nous entendre ! » Prologue, le premier des trois chapitres de cette collaboration, réunit six pièces design aux formes épurées inspirées d’un uni- vers très couture. « J’ai joué sur le contraste des diamants noirs – signature de la maison – et des diamants blancs. » Le deuxième chapitre, lui, est une ode à l’hiver. « Ma saison préférée ! » précise Emmanuel, dont les 14 designs aux subtils dégradés de blanc et de bleu évoquent la glace, les stalactites et même l’avalanche, sublimée par l’effet laiteux du diamant « icy ». La nature, encore la nature, toujours la nature…
Propos recueillis par Patricia Khenouna.
Photo d’ouverture : boucles d’oreille «Orchids», aluminium bleu, or, tourmalines de Namibie, Paraiba et diamants.
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