Evan Yurman est à la tête de la célèbre maison familiale new-yorkaise David Yurman, célèbre pour ses bracelets Cables au design torsadé créés par son père sculpteur. Au printemps, la maison a ouvert sa première boutique à Paris.
L’histoire de David Yurman a démarré avec un collier que votre père sculpta pour votre mère et qui rencontra le succès auprès des New-Yorkaises…
La maison a été créée par deux artistes éprouvant énormément d’affection l’un envers l’autre. La maison est née de cette relation. Le cadeau, gage d’amour, est un peu l’âme de notre métier.
Quand avez-vous rejoint vos parents dans l’aventure ?
Officiellement, lorsque j’avais 20 ans… et c’était il y a vingt ans. Mais j’ai toujours travaillé avec eux, même enfant, par passion. C’est exceptionnel pour une maison de notre niveau d’avoir les designers fondateurs présents, et en plus de la même famille. Lorsque mon père m’a demandé de diriger la compagnie, il m’a dit : “Mais tu sais, je ne partirai jamais à la retraite !” Il sera toujours impliqué, c’est son projet.
Quelles sont les spécificités de la maison ?
Nous ne proposons pas de bijoux traditionnels. Lorsque les gens regardent les créations, ils disent que “c’est moderne”. Ce n’est pas “avant-garde”, mais “c’est moderne”. Nous avons créé une catégorie de joaillerie pour les femmes qu’elles peuvent acheter elles-mêmes. C’est ce qui nous définit : avoir des pièces de joaillerie fine à porter tous les jours et à transformer pour la nuit.
Votre pièce préférée ?
La manchette Cable Edge Cuff en version XXL. Quand la lumière tombe dessus, c’est magnifique, elle est inspirée d’un vase japonais. C’était une collaboration entre mon père et moi.
Où sont fabriquées les collections ?
Les prototypes sont réalisés à New York dans notre atelier. La production est mondiale : Italie, Thaïlande, Inde, Mexique, Porto Rico, New York, Floride, Nouveau-Mexique, un tout petit peu en Chine… en France, nous fabriquons beaucoup de chaînes, car il y a les machines, et beaucoup de pièces de la collection de haute joaillerie sont réalisées à Paris.
Vous êtes à l’origine de la collection homme…
Il y a quinze ans, j’ai eu l’idée de faire de la joaillerie pour l’homme en voyageant en Europe. Ça n’existait pas aux États-Unis. En 2005, les Américains ne savaient même pas s’habiller ! Un des avantages d’une entreprise familiale : si tu crois en quelque chose, tu le fais, c’est tout, “just do it”, pas besoin de permission.
Vous avez créé des matières innovantes…
Le carbone forgé, fusionné avec de la résine et du métal, très complexe. Nous avons réussi à le faire pour quelques collections et nous essayons de pousser plus loin le développement. C’est très excitant.
Vous utilisez aussi des petits objets antiques…
J’ai une petite collection qui s’appelle EY Signature, mes initiales, avec des choses que je trouve et que j’ai envie de porter. Je collectionne des pièces de monnaie, des petits objets de l’Égypte ancienne, des héros romains… J’ai l’impression que les gens cherchent des bijoux uniques, pas nécessairement très chers, mais inhabituels, rares et avec une histoire. L’autre jour, un client voulait quelque chose de très insolite : l’image d’un homme puissant, mais pas aussi classique que César. J’ai fait mes recherches et j’ai trouvé l’empereur romain Commode : puissant, assez fou (il fut même gladiateur) et adorant la fête. C’était le personnage idéal ! J’ai donc fait une belle bague qui représentait à merveille mon client !
Pourquoi avoir choisi d’être mécène du Musée du Louvre pour la restauration des statues du jardin des Tuileries ?
Aider l’art est très important pour nous. Pour rappeler que ce sont des hommes ordinaires qui ont créé ces œuvres d’art extraordinaires, ces magnifiques sculptures. C’est essentiel, de se souvenir de cela. Nous ne participons pas juste par philanthropie ou parce que l’on a besoin de donner de l’argent pour se sentir bien.
Pourquoi le Louvre ?
Le Louvre est la plus spectaculaire institution d’art au monde. C’est important de ne pas venir uniquement profiter de cette belle ville où tant de personnes viennent faire du shopping, visiter, s’amuser… mais d’en faire partie de la meilleure façon possible.
Vous avez ouvert une grande boutique à deux pas de l’Hôtel Costes…
C’est très excitant. Ça faisait longtemps que nous cherchions la bonne adresse à Paris. Nous avons réussi à l’avoir au début de la pandémie. Nous avons eu peur que les gens ne reviennent plus, on racontait que Paris était mort… Mon père nous a assuré que tout irait bien et qu’il fallait y aller. Il croyait profondément à l’énergie et au rayonnement de Paris.
Vous proposez la joaillerie femme et homme à parts égales. C’est novateur…
C’est une boutique ouverte pour parler et où tout le monde est le bienvenu. Je me suis rendu compte que rentrer dans une boutique de joaillerie est très intimidant, à cause des gardes, parce que les portes sont grandes et effrayantes, l’accueil est guindé… Ici, nous ne jugeons personne. Nous voulons que les gens se sentent invités.
Vous avez une collection spéciale pour la boutique parisienne ?
Oui, et nous allons continuer. C’est important d’avoir des pièces en exclusivité à Paris.
David Yurman
254 rue Saint Honoré, Paris Ier
www.davidyurman.com
Propos recueillis par Anne Delalandre
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