Il est le dramaturge français le plus connu et le plus joué à l’étranger avec Yasmina Reza. À quarante et un ans, Florian Zeller passe derrière la caméra en adaptant, en anglais, sa célèbre pièce Le père, qui raconte la relation d’une fille et son père atteint d’Alzheimer… du point de vue du père. Résultat : The Father, un véritable tour de force cinématographique, vertigineux, immanquable, avec un Anthony Hopkins éblouissant dans le rôle-titre…
D’où vient ce désir fou qui vous a fait écrire un premier roman à vingt-deux ans, et vous emmène aujourd’hui, du théâtre à la réalisation de cinéma ?
Florian Zeller. Écrire a toujours été un rêve, et j’écris souvent comme si j’étais dans un rêve. Après mon premier livre, on m’avait demandé d’écrire un libretto pour un opéra. Cette première expérience de travail avec des gens sur des planches m’avait comblé. C’était comme découvrir un nouveau territoire, entrer dans le mystère. À partir de là, mon obsession a été de travailler avec des acteurs en faisant partager des émotions.
The Father est tiré de votre expérience personnelle ?
F.Z. J’ai été élevé par ma grand-mère qui était comme ma mère, et qui a commencé à avoir Alzheimer quand j’avais quinze ans. En me mettant à écrire, je savais que je ne racontais pas ma propre histoire, mais mes propres peurs. Tout le monde est concerné: que ferez-vous lorsque les gens que vous aimez vont commencer à être désorientés ?
Vous avez écrit la pièce pour Anthony Hopkins ?
F.Z. Je voulais garder la structure narrative non linéaire de la pièce, jouer avec la perte des repères et l’anxiété, comme si on faisait nous-mêmes l’expérience d’Alzheimer. Et avant tout, je savais que mon personnage principal s’appellerait Anthony… puisque je ne visualisais qu’Anthony Hopkins dans le rôle. Ce qui faisait quand même sourire mon entourage et les producteurs. Mais nous avons envoyé le scénario à l’agent d’Anthony Hopkins. Peu de temps après, on nous a dit qu’Anthony Hopkins voulait bien nous rencontrer, et nous voilà à bord d’un avion pour prendre le petit déjeuner chez lui à Los Angeles. Cela a été un moment magnifique, aussi joyeux qu’intense, qui a donné le ton.
Vous offrez en effet aussi à Olivia Colman un rôle bouleversant dont beaucoup d’actrices rêveraient. Votre épouse (ndlr: la comédienne Marine Delterme) devait l’envier !
F.Z. (Rires). Ma femme est actrice, oui, mais elle est surtout une très grande admiratrice d’Olivia Colman. Sauf que je suis un fan plus grand encore ! (Rires). Olivia est une actrice de génie, la voir travailler est magique. Juste un regard, un geste d’elle, on ressent tout son amour impuissant pour son père.Car ce n’est pas juste l’histoire d’un homme perdu dans son labyrinthe, mais aussi celle d’une fille qui essaie de faire de son mieux sans perdre pied.
On sort de The Father chamboulé mais apaisé. C’est un bel hommage à votre grand-mère.
F.Z. Oui, j’ai pensé à cela. Mais pas seulement ma grand-mère. Je pensais aussi à mon fils. J’ai voulu faire un film sur l’amour, sur le fait de prendre soin de quelqu’un qu’on aime, de faire face aux situations difficiles de la vie, de ressentir que nous faisons tous partie de quelque chose de plus grand que nous. The Father est une histoire universelle.
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographies Sean Gleason
The Father de Florian Zeller, avec Anthony Hopkins, Olivia Colman, Olivia Williams, Imogen Poots, Rufus Sewell. Sortie en France le 7 Avril.
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