Qui aurait pu prédire que le média français en ligne Brut allait devenir un succès mondial avec des vidéos à plusieurs millions de vues ? Nous avons voulu tout comprendre avec Guillaume Lacroix (ex-producteur télé et cofondateur du Studio Bagel), fondateur de Brut en 2016 avec Renaud Le Van Kim (réalisateur et producteur, notamment du Grand Journal sur Canal+) et Laurent Lucas (venant de Canal+ également, rédacteur en chef adjoint du Petit Journal). Rencontre avec un visionnaire engagé.
Définissez Brut en quelques mots…
Guillaume Lacroix. Un média d’information sur les réseaux sociaux leader sur les jeunes générations dans le monde.
Brut est une réponse à la crise de confiance à l’égard des médias ?
Oui, je pense que Brut est une réponse, même si on ne l’a pas créé pour ça. Le mode d’expression des médias traditionnels ne correspond plus du tout à la manière dont les jeunes générations consomment du contenu. L’an dernier, TikTok est passé devant Google, devenant le premier site Internet du monde ! Depuis, Google est repassé devant, mais cela en dit long sur les recherches des jeunes, qui cherchent “en vidéos” plutôt qu’“en mots”.
Comment expliquer le succès de Brut ?
Je pense qu’il y a beaucoup d’ingrédients : déjà, la qualité de l’équipe : Brut est une “start-up de vieux”. Nous avions tous les trois passé la quarantaine, avec une solide expérience télé, et nous sommes entourés de jeunes talents digitaux. Ensuite, on a eu de la chance dans le timing et nous avons su bien utiliser les codes des réseaux sociaux pour raconter l’information. Brut est surtout non partisan. Nous ne faisons pas de l’opinion : les jeunes détestent qu’on leur dise quoi penser. Nous les aidons juste à débattre, à se faire une opinion.
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Brut s’adresse aux jeunes, qui changent d’idée, de réseau très rapidement. Comment réussissez-vous à avoir autant d’audience et à la garder ?
En 2016, nous étions quasiment les seuls en média vidéo. Aujourd’hui, en France, nous sommes leaders sur l’ensemble des plateformes sociales. La marque a tissé une relation de confiance avec les gens. Nous essayons de rester pertinents sur nos sujets. Par exemple, il y a quelques années, nous avons décidé de parler de la santé mentale avant tout le monde. Nous essayons d’être précurseur. Et puis, la base, c’est que notre entreprise est à l’image de la société dans laquelle on vit. Chez Brut, il y a une énorme diversité d’âge, de parcours professionnels, d’origines… L’un des commentaires qu’on a le plus, c’est : “Merci de nous raconter le monde dans lequel nous vivons vraiment.”
Quelle est la vidéo, le contenu, qui vous a le plus marqué ?
Il y en a plein ! La première qu’on ait faite, une idée incroyable de Laurent, c’était François Hollande, président sortant, qui parlait à François Hollande, candidat. Il avait fait deux fois la même émission dans ces deux rôles. On a pu monter un dialogue entre les deux François. Et, ce qui était drôle, c’est que les deux François étaient en opposition de discours totale. C’était très malin comme idée. Nous avions 20 followers, mais la vidéo a fait 4 millions de vues… Ensuite, notre premier live : l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron. Nous étions à peine accrédités… Rémy Buisine, en live, tenait son téléphone en hauteur, on voyait à peine Macron au loin, il avait fait 10 vues, dont 8 à notre rédaction (sourire)… Puis la vidéo de Rémy au milieu des «gilets jaunes», qui touchera 23 millions de Français ! Et enfin, la première vraie interview d’Emmanuel Macron, avec 25 millions de personnes qui l’ont vue. Je suis très fier aussi de travailler avec des associations et de l’impact des vidéos, qui ont changé beaucoup de vies…
Vos projets ?
On a envie de continuer à se globaliser. On veut se développer au Moyen-Orient. Plus de 50 % des gens ont moins de 30 ans, c’est l’endroit du monde où les gens passent le plus de temps sur les réseaux sociaux, notamment les jeunes. Puis, travailler avec l’intelligence artificielle, qui va nous permettre, par exemple, d’avoir des discussions en “one and one” avec nos spectateurs. Pour ceux qui en auront envie.
Propos recueillis par Sandra Hirth
Photographie principale : BestImage
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