«J’aime beaucoup les pierres précieuses extraordinaires, des perles de conque aux tourmalines de Paraíba», explique Jeremy Morris, fils de David Morris et actuellement directeur général et créatif de la maison éponyme londonienne. Ses bijoux flamboyants aux pierres d’une qualité exceptionnelle sont parmi les plus innovants.
C’est votre père qui a fondé la maison…
Mon père a créé l’entreprise il y a soixante-deux ans, en 1962. A l’âge de 15 ans, il a quitté l’école sans savoir quoi faire : il aimait dessiner, on lui a suggéré tailleur de diamants. Il est devenu apprenti diamantaire dans une petite entreprise de Hatton Garden, à Londre s: trois personnes au dernier étage d’un petit immeuble; en dessous se trouvait un diamantaire surnommé “Posh John” parce qu’il venait au bureau avec un chapeau melon et un parapluie. Un jour, il a demandé à mon père, qui n’avait que 20 ans, de s’associer avec lui. Ils ont ouvert un atelier dans Greville Street. Puis mon père a créer son propre atelier. Il venait d’épouser ma mère, Suzette Morris, et mon grand-père maternel s’était porté garant d’un prêt de 200 livres sterling. C’est ainsi qu’est né David Morris.
Quelles pièces ont marqué l’histoire de la maison et défini son style ?
J’ai un grand amour pour la haute joaillerie, et j’ai poussé David Morris dans cette direction depuis que j’ai repris l’entreprise. J’aime beaucoup les pierres précieuses extraordinaires, des perles de conque aux tourmalines de Paraíba. La recherche de beauté et de l’originalité sont au cœur de David Morris, et je dirais que notre style actuel est grand, audacieux et coloré. La collection Rose Cut, dévoilée pour la première fois en 2002, est devenue une signature de la maison et reste l’une des préférées des clients.
Enfant, vous rêviez d’être joaillier ?
Oui, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être bijoutier comme mon père. Lorsque j’étais enfant, mon père me donnait des centimes, et j’utilisais le moulin pour les aplatir. Cela me procurait d’innombrables heures de divertissement et me permettait de me familiariser avec l’environnement de l’atelier.
Vous avez été formé à Paris. Etes-vous attaché à la joaillerie française classique ?
Les Français ont vraiment été les leaders de la création de bijoux au cours du siècle dernier, et il y a beaucoup de joailliers français dont j’aime le travail, comme les premiers Van Cleef et Cartier. Je regardais un collier de Van Cleef & Arpels datant de 1947, avec ces marquises suspendues, qui ressemble beaucoup à une pièce que je crée actuellement, donc je suis toujours inspiré par la joaillerie française.
Quel est votre rôle exact ? Vous dessinez les bijoux, sélectionnez les pierres…
J’ai succédé à mon père en tant que PDG et directeur de la création en 2003. Je m’occupe personnellement de l’approvisionnement en pierres, un processus méticuleux qui peut durer des années, en raison de la correspondance complexe des couleurs et de la rareté des gemmes. Je suis également très impliqué dans l’ensemble du processus de conception et de création, demandant fréquemment des modifications aux pièces en cours de production jusqu’à ce qu’elles atteignent un niveau de perfection. Les pierres que j’ai acquises me parlent d’une manière qui guide ma vision créative.
Quelles sont vos pierres préférées ?
Impossible de choisir une seule pierre précieuse comme étant ma préférée ; cependant, les tourmalines Paraíba sont sans aucun doute parmi les plus captivantes et les plus enchanteresses. J’ai commencé à travailler avec les tourmalines Paraíba il y a plus de vingt ans, lorsqu’elles sont arrivées du Brésil : elles offraient une nouvelle palette de couleurs. La plupart de nos clients possèdent toutes les autres pierres précieuses, mais les tourmalines Paraíba sont encore nouvelles et excitantes.
La maison a ses propres ateliers à Londres…
Oui, notre boutique phare abrite également notre atelier de haute joaillerie, le dernier du genre à exister sur Bond Street. Une équipe de 12 personnes travaille dans l’atelier, dont deux générations qui se côtoient: un père qui travaille sur des techniques traditionnelles et un fils qui se concentre sur des conceptions CAO modernes.
Vous avez travaillé pour la famille royale britannique.
Nous avons travaillé sur de nombreuses commandes pour la famille royale anglaise et d’autres familles royales à travers le monde. L’une de nos commandes préférées a été réalisée pour le vingtième anniversaire du roi Charles III, alors prince de Galles. David Morris a été chargé de créer une statue de dragon en or fixé sur le capot d’une Aston Martin offerte au prince par la reine Elisabeth II.
En 1972, la maison réalise la couronne de Miss Monde…
Eric Morley, le fondateur du concours, a demandé à mon père de réorganiser la couronne remise à la gagnante. Il a créé un modèle incorporant des turquoises et des diamants qui est encore utilisé aujourd’hui.
David Morris est aussi très lié aux James Bond Girls…
David Morris entretient une longue relation avec les films de James Bond. Cette collaboration est née d’un lien avec le décorateur Maurice Pinder. L’une de mes pièces célèbres préférées de David Morris est le collier de diamants porté par Teri Hatcher dans le film Tomorrow Never Dies (Demain ne meurt jamais), sorti en 1997. Créer des bijoux pour une franchise cinématographique aussi emblématique restera toujours un moment fort de ma carrière. J’ai eu aussi le privilège de vendre des bijoux à de nombreux clients extraordinaires, dont des figures emblématiques telles qu’Elizabeth Taylor et Oprah Winfrey. Tous mes clients et leurs histoires individuelles sont importants pour moi, car, sans eux, rien de tout cela ne serait possible.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail ?
La joie de créer des pièces de haute joaillerie uniques. J’aime le parcours artistique qui va de la sélection des pierres précieuses à l’élaboration du modèle final, un processus qui permet non seulement d’exprimer sa créativité, mais aussi de transformer des matériaux bruts en pièces exquises.
Savez-vous déjà à qui vous voulez transmettre la maison familiale David Morris ?
Nous sommes l’une des dernières maisons de joaillerie familiales de Bond Street. Ma fille Cecily est responsable du contenu de la marque, et je suis très heureux d’assister à la continuité de notre héritage familial au sein de la troisième génération.
Propos recueillis par Anne Delalandre
Photographie principale : Jeremy Morris Courtesy Photo
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