A 56 ans, toujours plus cool, toujours plus humble, plus populaire que jamais, Keanu Reeves (prononcez «kay-a-nou») apparaît définitivement comme «l’élu». La preuve, vingt ans après le premier Matrix, il reprend du service dans les volets 4 et 5, tournés par Lana Wachowski. C’est des célèbres studios de Babelsberg, à Berlin, cheveux mi-longs et barbe naissante, que Neo nous a donné de ses nouvelles. Par Zoom, pandémie oblige, avec une gentillesse, des égards, des sourires rougissants, qui nous feraient croire aux univers parallèles.
Interrompu en avril dernier, le tournage des Matrix 4 et 5 est reparti de plus belle à Berlin. Décidément, vous aimez les sagas et retrouver des équipes amies pour travailler. On peut vous voir actuellement dans Billand Ted Face the Music,la suite d’une comédie rock loufoque que vous aviez tournée en 1989, et un quatrième John Wick est à l’œuvre !
Keanu Reeves. J’aime les bandes. J’ai un groupe de musique, cela doit venir de là. Et puis, repartir dans l’univers des Matrix, c’était vraiment trop tentant. Ces nouveaux volets ont été écrits par notre incroyable metteur en scène Lana Wachowski… et cette fois il s’agit d’une histoire d’amour. C’est inspirant. Carrie-Anne Moss retrouve son rôle plutôt androgyne de Trinity. Laurence Fishburne n’est plus là, mais, heureusement, Morpheus et Neo se retrouvent dans John Wick. J’avais d’ailleurs accepté John Wick parce que le réalisateur était un ancien cascadeur sur les Matrix.
Nous n’allons pas découvrir les nouveaux Matrix avant au moins deux ans. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
K.R. Juste que ça va être bourré d’idées dont nous pouvons tous nous nourrir. Et que l’ambiance sur le tournage est fabuleuse. Tout le monde fait très attention à respecter le protocole sanitaire, et en même temps le rythme n’est jamais affecté. C’est remarquable. Mais je crois qu’au cinéma on est très bon pour ça: rebondir en temps de crise. Sur un plateau, on est habitués à accomplir n’importe quoi, à être inventifs. Il y a ce côté «mettons sur pied un bon spectacle». Cet esprit chaleureux est plus vrai et vivant que jamais dans ces nouveaux Matrix. C’est euphorisant.
Pendant le confinement, cette année, qu’est-ce qui vous manquait le plus ?
K.R. Partir faire des tours à moto. J’aime l’action, c’est aussi pourquoi je me suis enrôlé pour un John Wick 4. Cette série m’a fait devenir, peut-être pas un maître, ça, c’est Halle Berry, mais en tout cas un bon élève en arts martiaux. (Rires)
Comment voyez-vous votre carrière ?
K.R. Pour un petit joueur de hockey sur glace du Canada, né au Liban, pas si mal, de me retrouver à Hollywood. Mais je ne me suis jamais vu comme quelqu’un de plus important qu’un autre. Dès le départ, on m’a proposé une tonne de fric pour Speed 2. A la place, j’ai joué Hamlet sur une petite scène. J’aime faire ce que j’aime. Depuis peu, je me lance dans les comics, j’ai sorti une série limitée qui s’appelle BRZRKR, avec un personnage inspiré de ma petite personne. Je continue à jouer de la basse dans mon groupe. Tout cela me correspond bien.
C’est votre côté «dude», comme de faire une suite, trente ans plus tard, à la farce L’Excellente Aventure de Bill et Ted, avec votre vieux complice Alex Winter.
K.R. Nos deux «musicos» sont désormais quadragénaires et bons pères de famille. Mais un message du futur vient leur dire qu’une nouvelle chanson pourrait changer leur destinée. Nous devenons très vieux dans le film. Ça fait bizarre, de se voir ainsi projetés centenaires, même si le maquillage était flatteur, car je ne serai sûrement pas aussi bien à cet âge-là. Les maquilleurs du film sont des légendes du métier : la transformation nécessitait quatre heures de maquillage sous le soleil estival de La Nouvelle-Orléans, mais ça passait tout seul.
Aujourd’hui, qu’aimeriez-vous encore accomplir ?
K.R. Je n’aime pas trop la notion d’avoir accompli quelque chose, car cela veut dire que c’est fini.
Devenir un bon père de famille, cela pourrait vous arriver ?
K.R. Je me souviens avoir travaillé avec Anthony Quinn sur le film A Walk in the Clouds. Il avait alors 83 ans et venait d’avoir son premier bébé…
Après une année si chaotique dans votre pays, comment voyez-vous l’avenir des Etats-Unis ?
K.R. La brutalité actuelle, la banalisation de l’emploi de la force, l’injustice, le refus de donner à certains humains… tout simplement le droit d’être humains, d’aimer, de vivre… On ne peut que se demander: «Mais pourquoi ?» Et les réponses généralement ne sont pas très encourageantes. On dirait que la lutte humaine est désormais de survivre aux intérêts négatifs du monde.
Quelle chanson choisiriez-vous pour unir le monde ?
K.R. Geave Peace a Chance me paraît pas mal.
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographie Williams&Hirakawa/August
«Bill and Ted Face the Music» en VOD. «Matrix 4», sortie prévue le 1er avril 2022. «John Wick 4», sortie prévue le 27 mai 2022.
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