Les couples des jeunes générations repoussent souvent le moment de faire un enfant, et les animaux de compagnie deviennent leur nouvelle lubie. Ils les considèrent comme une sorte de premier enfant, pour fonder une famille version bêta, avant d’en fonder une vraie. Un substitut provisoire, qui se choisit avec attention et se traite avec égards. Selon Vincent Grégoire : «Les élites et les people vont montrer qu’elles sont éduquées avec des chats. On se fait photographier avec eux, parce que c’est une façon d’exposer son intérieur, son intimité, sa vulnérabilité. Les gens simples, les couches plus populaires, sont plutôt en mode chien, comme pour prouver leur respectabilité. Pour eux, c’est un accessoire de statut social. En Chine, notamment, où certains mangent encore des chiens et des chats parce qu’ils ont du mal à se nourrir, avoir un animal de compagnie est une exception sociale, un signe d’aisance, si ce n’est de richesse. Au Japon, il y a des parcs où l’on arrive avec sa laisse, achetée chez Hermès ou chez Vuitton, et où on loue un chien pour une heure, pour parader. C’est un élément hyper-valorisant pour engager la conversation.»
Il y a des animaux à la mode : toujours des bêtes graphiques et visuelles, instagrammables évidemment. Pour les chiens, bouledogues et chihuahuas, pour les chats, le bengale, une petite boule de nerf avec des taches comme un oslo, le sheep cat, avec sa fourrure frisottée, et bien sûr le «tiny cat», le chat miniature. En Russie, la tendance est plutôt au chat sphynx, avec ses grandes oreilles et sa peau glabre.
Et il y a la mode pour animaux : le «dog wear». La plateforme multimarque canadienne Ssense a lancé avec plusieurs créateurs de renom, Marine Serre, Ashley Williams, sa catégorie Prêt-à-porter canin. Une ligne éclectique d’imperméables siglés, pulls à capuche VIP, doudounes Moncler, molleton Versace, colliers et laisses de luxe. Valentino propose de numériser son animal de compagnie, d’en faire une sorte de personnage de dessin animé, comme une mascotte, et de l’imprimer sur son sac. Loewe a sorti des sacs à main avec Totoro. Chez Miu Miu, on peut faire imprimer sur son
tee-shirt des chiens et des chats super cute. Fendi, Louis Vuitton, Prada, Tiffany & Co, avec sa ligne monochrome bleue, leur consacrent maroquinerie et bijoux.
On soigne leur environnement déco : arbres à chat conçus par des designers, à des prix qui montent jusqu’à des milliers d’euros. On leur offre des soins de beauté, Glossier, notamment, tandis qu’Amo Petric leur formule des baumes antirides. On les divertit, avec des chaînes dédiées : Dog TV, qui occupe les chiens lorsque leur propriétaire est absent. Cat VR immerge les chats dans une expérience de réalité virtuelle, au milieu de poissons qui nagent, de pelotes de fils géantes et de rayons laser… Jusqu’à la food, avec des boxes en abonnement et des régimes végétariens comme Butternut Box, NomNomNow, Mixlab, et même du CBD, qui s’infiltre dans les croquettes pour chiens Fab CBD. Autre aspect du phénomène, les lieux à la mode : Smith & Whistle, le bar londonien, s’équipe d’une carte de «dogtails» et de bières pour chiens ; Space, le clubhouse pour chiens de la compagnie Penny’s Food Studio à Pékin, Petco, une cantine new-yorkaise où des chefs leur concoctent des repas fins.
Ellen Willer
A lire aussi : Les animaux de Thom Browne