Autant dire qu’on attendait Brûler le feu, le deuxième album de Juliette Armanet – juste annoncé par Le Dernier Jour du disco, un titre solaire, amoureux et vibrant accompagné d’un clip en référence aux posters ultraréalistes des seventies – avec une immense fébrilité. D’abord parce que, avec Petite amie, le disque qui marquait ses débuts, la jeune chanteuse et compositrice, tout en citant ses influences, Michel Berger et Véronique Sanson en tête, mais les modernisant, réussissait à nous entraîner dans son drôle d’univers à la fois kitsch et second degré, racé et populaire, dansant et mélancolique, aventureux et Chérie FM. Quatre ans plus tard, après une série longue comme le bras de concerts où Juliette Armanet prouvait en beauté qu’elle avait aussi la carrure, la posture et le coffre d’une bête de scène, des collaborations à la pelle avec le gratin de la French pop (Christophe, son idole regrettée, Malik Djoudi, Moodoïd, Benjamin Biolay ou Ricky Hollywood), la chanteuse a longuement réfléchi à la suite à donner à son succès phénoménal et sa Victoire de la musique, s’est isolée à la campagne avec son jeune enfant pour composer, puis s’est entourée des meilleurs producteurs du moment, comme SebastiAn (que tout le monde s’arrache, de Charlotte Gainsbourg à Frank Ocean en passant par Kavinsky), Yuksek derrière une poignée de tubes comme La Grenade de Clara Luciani, Victor Le Masne ou Julien Delfaud.
De ce grand mélange en forme d’hésitations et de doutes, de fougue et d’excès, d’une histoire d’amour consumée et d’un nouveau départ, Juliette Armanet a conçu un deuxième album où les sentiments comme les genres s’entrechoquent, passant de balades larmoyantes à des tornades disco, de chansons soul et lascives à des envolées funky irrésistibles, de chansons à hurler sous sa douche ou à écouter pour se faire cajoler. Le tout porté par sa voix, unique et puissante, frissonnante et sensuelle, quelque part entre Véronique Sanson et William Sheller. Avec Brûler le feu, son titre ironique, sa pochette qui plonge dans les codes des seventies et ses 13 chansons qu’il semble difficile de séparer tant elles forment un tout cohérent et sincère, Juliette Armanet nous ouvre grand les portes de son cœur, de ses chagrins et de ses espoirs, alterne audace et timidité, joie et de tristesse, lumière et obscurité, tout en confirmant au passage, avec cette sincérité brute qui n’appartient qu’à elle, qu’elle est une des plus belles choses arrivées à la pop française depuis des années.
Patrick Thevenin
Photographie @studioletiquette
Juliette Armanet, « Brûler le feu » (Romance Musique).
En concert à l’Olympia les 16 et 17 février 2022
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