Cinq ans après Le diable est une gentille petite fille, l’humoriste belge de 36 ans revient avec son second spectacle, Glory Alleluia. Si elle n’a rien perdu de son humour noir pour aborder de nombreux thèmes de société, Laura Laune se livre aussi beaucoup plus sur sa vie personnelle, marquée par le syndrome d’Asperger et une «relation toxique» de plusieurs années. Sans concessions et avec sincérité, elle s’impose ainsi un peu plus comme une artiste majeure de la scène française.
En voyant l’affiche de Glory Alleluia, votre nouveau spectacle, on se dit que vous n’avez visiblement pas changé : percutante et sans limites. Comment avez-vous évité l’écueil du remake de votre premier show ?
Laura Laune. J’ai joué Le diable est une gentille petite fille pendant presque huit ans, et j’avais vraiment envie d’écrire des choses nouvelles. Je voulais raconter comment j’ai vécu le succès et parler de choses importantes qui sont survenues dans ma vie privée. Donc l’univers humoristique reste le même – la jeune ingénue qui pratique un humour trash et noir –, mais Glory Alleluia est beaucoup plus personnel.
Vous traitez toujours de sujets de société, comme #MeToo, le féminisme, les relations hommes-femmes ou la sexualité, mais vous révélez d’abord avoir été diagnostiquée du syndrome d’Asperger. Pourquoi ?
Parce que cela a été une grande révélation dans ma vie et un grand soulagement, car ce diagnostic m’a permis d’avoir des réponses à des questions que je me posais depuis toujours et de comprendre enfin mon fonctionnement. J’ai toujours senti que j’avais quelque chose de spécial en moi et j’ai fait de nombreuses démarches médicales pour trouver ce que c’était. Pour moi, il y a désormais un avant et un après Asperger, et j’avais besoin de raconter cela à mon public, de le partager avec lui. Je voulais montrer que cette forme d’autisme ne signifie pas déficiences intellectuelles, difficulté à parler… Il existe beaucoup de clichés sur l’autisme, et je souhaitais l’expliquer pour lutter contre. Saviez-vous qu’Anthony Hopkins est Asperger ? Et tout le monde adore et admire cet acteur…
Comment se traduit ce syndrome d’Asperger dans votre vie de tous les jours ?
Par beaucoup d’anxiété et de fatigue dans les relations sociales. J’ai souvent besoin de me retrouver seule pour me recharger en énergie. J’ai également besoin de routine, j’ai du mal à vivre les choses imprévues, qui ne sont pas cadrées. Un Asperger n’a pas les codes sociaux de façon innée, il va les apprendre, et c’est ce que j’ai fait. Aujourd’hui, je suis indétectable, cela ne se voit presque plus, sauf peut-être pour mes très proches. Enfin, cela joue probablement dans ma forme d’humour, car les Asperger n’ont pas de filtres, pas de jugements, ils prennent les choses comme elles viennent.
Vous révélez aussi une relation toxique que vous avez eue durant plusieurs années. Etait-ce lié ?
Il y a chez la plupart des autistes Asperger une grande naïveté. On ne se méfie pas des gens, on ne voit pas le mal chez les autres, ni les manipulations et l’emprise psychologique qui s’établit. On tombe ainsi plus facilement dans des relations toxiques avec des personnes malveillantes, mais il n’y a pas besoin d’être Asperger pour tomber dans une relation compliquée. Moi, j’ai beaucoup hésité à raconter cette relation sur un mode humoristique, mais si j’ai fini par m’en rendre compte et à en sortir, c’est grâce aux nombreux témoignages que j’ai pu lire. Alors, j’ai voulu, moi aussi, apporter mon récit, mon expérience. Si cela peut aider des personnes qui viennent me voir, ce sera une grande victoire.
Glory Alleluia est une thérapie personnelle ?
Disons que cela fait du bien, car je parle sur scène d’une façon dont je ne parlerais pas dans la vie. Avec les proches, il y a des choses que l’on n’abordera pas au quotidien en face-à-face, mais, sur scène, c’est l’artiste qui parle. J’explique ce que j’ai, ce que je suis, et vous, vous pouvez réagir ou ne pas réagir. Ce qui me réconforte, c’est que de nombreux spectateurs viennent me voir après le spectacle pour me remercier d’avoir parlé, par exemple, de violences conjugales. En parler leur fait du bien.
Vous tournez en province toute cette année, avant quatre dates parisiennes aux Folies Parisiennes en janvier 2024. Trouvez-vous le temps d’écrire pour le cinéma et la télévision, des projets qui vous tiennent à cœur ?
J’y réfléchis effectivement depuis un moment, et j’ai plusieurs projets en tête, notamment un album de chansons, mais qui sont en attente. Ce sera pour après la tournée !
Propos recueillis par Philippe Latil
Photographie principale : Marine Ferain
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