Serait-ce parce que ses mains savent capter le mouvement fragile de l’existence humaine que sa présence vous enveloppe instantanément? A moins que ce ne soit ce subtil mélange de réserve et de détermination, de douceur et de fougue qui la caractérise.
Une chose est sûre, Laurence Bonnel était faite pour être artiste. Et plus précisément sculpteur. «Sculpter m’apporte une incroyable sérénité», dit cette grande admiratrice de Rodin, Monet et Giacometti. Il suffit d’observer les hautes sculptures de bronze, disposées en couples, parfois en foule, dont elle façonne les silhouettes dans son atelier de Normandie pour la croire sur parole. Quoique bien ancrées au sol, elles s’élèvent vers le ciel, tels «des gardiens protecteurs à l’entrée d’un sanctuaire», sans toutefois nous dominer.
Elevée à Paris par deux parents fervents collectionneurs d’antiquités du XVIIIe, Laurence Bonnel a baigné dans l’art dès sa plus tendre enfance. D’aussi loin qu’elle se souvienne, le dessin s’est imposé à elle. L’urgence de la création aussi. «A 4 ans, je passais mes journées à “patouiller” la terre du jardin de notre maison de famille, près de Perpignan !» Après des études de lettres à la Sorbonne et un mémoire sur “La Figure de l’artiste dans la littérature”, elle s’inscrit par hasard à un cours de sculpture. C’est le déclic. «J’ai tout de suite compris que j’avais trouvé mon médium.» Aussitôt, Laurence se perfectionne, suit des cours d’histoire de l’art, se frotte à différentes techniques (pierre, soudure, patine…) et apprend à mouler dans la fonderie d’un sculpteur. En 2003, la Galerie Nose (Paris VIIe) expose pour la première fois ses œuvres. Rapidement plébiscitées dans des lieux de plus en plus prestigieux, à l’instar du Grand Palais, celles-ci sont présentes partout dans le monde: New York, Singapour, Hongkong, Londres… Cette trajectoire fulgurante, qui l’a propulsée au rang des sculpteurs les plus respectés, semble presque l’étonner. Elle a toujours préféré le partage au nombrilisme. Les céramistes, designers ou sculpteurs qu’elle défend au sein de Scène Ouverte, sa galerie parisienne (Paris VIe), peuvent en témoigner.
Ils s’appellent William Coggin, Léa Mestres, Rino Claessens… et travaillent le bronze, l’aluminium, l’acier, le marbre, le cuir, la tapisserie… Leurs œuvres, qui côtoient les siennes, répondent toutes aux mêmes critères: la défense d’un savoir-faire, des belles matières et de la rareté, chaque pièce étant unique ou en édition limitée. «J’accorde une importance particulière à l’équilibre entre l’harmonie esthétique et la fonction», souligne Laurence. Soucieuse d’offrir un tremplin aux talents de la scène émergente, elle a gardé un enthousiasme intact et se réjouit de la «formidable liberté de création» que lui apporte ce métier de galeriste. Entre les cinq expositions annuelles de Scène Ouverte et celles qu’elle doit elle-même honorer à l’étranger, sa participation active aux salons internationaux et ses projets annexes – on lui doit la décoration de L’Abysse, le divin sushi-bar du Pavillon Ledoyen, et de sa récente version monégasque au sein du prestigieux Hôtel Hermitage–, Laurence a de quoi nourrir ses insomnies. Mais, à l’instar de son époux, le chef multi-étoilé Yannick Alléno, cette amoureuse des grands espaces fourmille de projets. Installer une centaine de ses silhouettes dans un paysage à couper le souffle? Voilà un défi qui la remplirait de joie. «J’imagine un décor très vallonné, semblable à ceux que l’on peut trouver en Nouvelle-Zélande, songe-t-elle d’un œil rêveur. La nature, au même titre que la musique et la gastronomie, me sont indispensables. J’ai besoin de la beauté du monde !»
galerie-sceneouverte.com
Exposition à la Galerie Scène Ouverte : «Diane Benoit du Rey. Lumen», jusqu’au 27 avril.
Patricia Khenouna
Photographie principale ©Paul Hennebelle
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