Après quinze années passées à New York, Laurie Arbellot rentre à Paris et lance sa propre marque, Minuit. Un vestiaire du soir, sophistiqué et cool, chic et décontracté, ultra-féminin, nourri des influences puisées dans les deux capitales.
Tu es rentrée à Paris après avoir travaillé aux Etats-Unis pendant huit ans chez Proenza Schouler, l’une des plus fabuleuses marques américaines…
J’ai adoré, c’était cool et tendance. J’ai beaucoup appris avec eux et Marc Jacobs. C’était très artistique, avec toujours la volonté d’aller plus loin pour trouver les dernières techniques de folie. J’ai travaillé aussi avec des designers qui font du streetwear et qui apportent ce côté cool et innovant. J’essaye de traduire tous ces codes et de faire un mix entre New York et Paris.
Quels sont les codes new-yorkais ?
Les coupes, les formes… Une nonchalance et une décontraction qu’on n’a pas à Paris. C’est pas grave si ta chemise est large, si ton jean est cool. Ce n’est pas du tout parisien, où tout est très serré et cadré. Les filles ne veulent pas forcément porter des talons, elles ont un goût pour mixer le vintage avec de la couture, elles n’ont pas peur des couleurs ou des associations bizarres.
En 2020, en pleine crise, tu as lancé ta marque, Minuit, et certains modèles ont très vite rencontré le succès…
Tout était prêt et j’en rêvais depuis que je suis toute petite. J’adore m’habiller et j’ai toujours été fascinée par la haute couture, les designers, les mannequins… Je ne fais pas quelque chose de conceptuel. Je pense que j’ai un œil – enfin, j’espère – pour mettre en valeur les femmes. La robe Laurie est ma première robe en organza 100 % soie. C’est une robe longue, entièrement faite à la main, qui fait une taille très fine. C’est une modéliste de chez Alaïa qui m’a aidée à la faire. Au Printemps, ils ont tout vendu en huit jours. Valérie Lemercier l’a portée au Festival de Cannes pour le film Aline. C’est hyper classe, car elle a acheté la robe et nous n’avons même pas eu besoin de lui prêter. Et ça lui allait à tomber ! Nous avons aussi un pantalon qui se vend très bien. Il est taille haute, assez long, très flatteur et fait des jambes de trois mètres de haut ! Les filles adorent. Nous le proposons en soie, en laine et aussi en denim.
Tu es très sensible aux matières et aux textures…
J’adore créer des tissus plutôt que d’acheter du déjà fait. C’est plus riche d’avoir quelque chose à customiser. La saison dernière, c’était du jacquard, du cuir métallisé, du seersucker et de l’organza… Beaucoup dessinent et puis cherchent les tissus ; moi, c’est l’inverse. Le tissu fait le vêtement. Avec des coupes modernes, simples et pures, on peut avoir un super résultat.
Et toujours sans imprimés ?
J’aime les imprimés, car je dessinais et peignais beaucoup à la main, mais les imprimés étaient fun il y a dix ans… Je préfère être dans le développement textile, pour trouver des résultats bizarres : créer un matelassé, un mélange de fils dans un macramé… Je demande toujours à mes fournisseurs de me montrer quelque chose que personne n’a encore jamais vu. C’est comme faire une potion magique avec un élément que personne n’a jamais utilisé. J’adore l’art, j’adore la peinture. Pour moi, créer un tissu, c’est comme créer une œuvre d’art, une chose qui n’a pas été faite avant.
On voit cette saison revenir comme une certaine forme de glamour et des modèles plus sexy. Est-ce une tendance qui t’interpelle ?
La féminité ne s’exprime pas uniquement par un décolleté profond ou des cuisses dénudées… C’est une allure, une attitude. C’est aussi la séduction. J’ai envie de rendre les autres filles heureuses quand elles mettent une robe. Je veux que mes vêtements donnent confiance aux femmes, pas forcément pour le regard des autres. Moins on pense aux autres, plus on attire. C’est marrant parce que, lorsque je suis rentrée à Paris, j’ai été agréablement surprise de voir que les Parisiens sont super bien habillés. Je trouve ça très agréable de voir les gens faire des efforts. Je ne change pas le monde, je ne fais que des vêtements, mais je suis contente si je peux apporter un peu de bonheur aux femmes, qu’elles se sentent bien dans leurs corps, qu’elles se sentent jolies… Si je peux aider une fille à trouver la robe qui lui va parfaitement et qui la met en valeur, j’ai fait mon job.
Propos recueillis par Anne Delalandre
A lire aussi : Pierre-Louis Mascia: «Les textiles et les imprimés permettent d’aller à la rencontre des cultures»