Sept villes, sept amoureux, sept parfums, 7Lovers, une collection d’émotions, tout en souvenirs et en sensualité, signée par une icône de la mode, Carine Roitfeld.
La mode, c’est votre vie, comment êtes-vous venue au parfum?
Carine Roitfeld. J’ai toujours voulu pousser de nouvelles portes. Dans le parfum, il y a une espèce de «legacy», de durée. La mode change tous les trois mois, alors que le parfum a pour but de durer. Il y a quelque chose qui perdure, je trouvais ça très excitant. Je vais partir un jour et j’aimerais que quelque chose reste derrière moi.
Quel a été le processus de création?
C.R. J’ai commencé par passer une après-midi entière avec un nez, sans parler de parfums, mais plutôt de moi. C’était comme un questionnaire de Proust: mes goûts, ce que j’aimais, d’où je venais, mes couleurs… C’est une des rares fois où j’ai vraiment dit la vérité dans ma vie. Le parfum, c’est la chose la plus personnelle que j’aie jamais faite, c’est vraiment une mise a nue, avec tout ce qu’il y a au fond de vous, ce qui vient de vos racines, de vos parents, de votre éducation, de votre esthétique. Je suis une storyteller, et j’ai décidé d’utiliser cet élément de créativité pour mes parfums. Comme je voyage beaucoup, je connais beaucoup de villes, je rencontre des gens séduisants dans ces villes… Les villes sont des réalités, les «lovers» sont des fantaisies. J’ai raconté des histoires, et les parfumeurs ont fait la musique.
Quel est votre rapport au parfum?
C.R. Je suis quelqu’un de très fidèle. Pendant vingt ans, j’ai porté ma première création, si on peut dire, un mélange d’Opium d’Yves Saint Laurent et de Fleur d’Oranger de Serge Lutens. Un pschitt de chacun et j’avais mon parfum à moi. J’aime les parfums qui restent, ceux qui durent et dont on se souvient. Un parfum, c’est vraiment la signature d’une personnalité. Je suis française, et le parfum, pour nous, c’est sérieux, ce n’est pas un accessoire, pas un gadget. Le challenge a été de me faire oublier le parfum que je portais depuis vingt ans pour en créer de nouveaux. C’est aussi pour ça que ça a pris huit ans…
Qu’est-ce qui vous a le plus excitée dans ce long travail?
C.R. Dans la mode, j’ai un nom connu, mais dans le monde du parfum, je suis une débutante. Ça m’a remis les pendules à l’heure. Il faut vraiment que je prouve que je fais quelque chose de bien, que je peux appartenir à leur monde et que je peux être respectée. Mes parfums ont été très bien accueillis. Des parfumeurs ont été bluffés par leur qualité, donc pour eux je suis dans la cour des grands.
C’est quoi, le style Roitfeld en parfums?
C.R. J’aime le côté «volé aux hommes», cette ligne très fine entre l’homme et la femme dans les vêtements, dans le maquillage. Ces parfums sont «no gender», pas parce que c’est à la mode, mais parce que ça a toujours été important pour moi. Je crois que je suis la première à avoir mis un «transgender» en couverture de Vogue, avec une barbe et en minijupe. Les femmes adorent les parfums d’homme, et les hommes adorent les parfums féminins. Je voulais un flacon qui puisse être aussi bien dans une salle de bain d’homme que de femme, une bouteille lourde, quelque chose de sexy dans la main, un peu comme un galet, un vert très foncé, presque noir… Et j’ai fait écrire tous les noms à la main pour que chaque prénom soit comme la signature d’une lettre d’amour.
Propos recueillis par Ellen Willer
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