Pourquoi avez-vous accepté de coprésider le jury du grand prix de la Pâtisserie parisienne?
Pierre Hermé. Je pense qu’on n’a jamais autant parlé de pâtisserie et jamais eu autant de jeunes talents. A l’instar de la gastronomie du salé, il existe une gastronomie du sucré dont ce concours va récompenser chaque année le meilleur artisan. Il est donc proposé aux pâtissiers, boulangers-pâtissiers et chefs pâtissiers des hôtels et restaurants parisiens, d’imaginer une pâtisserie inspirée du thème «Paris». Verdict le 17juillet! C’est aussi une manière, comme avec les émissions de télévision, de susciter des vocations et de transmettre notre savoir-faire. Cela est fondamental pour que le métier se perpétue, évolue et soit encore plus intéressant.
La pâtisserie est-elle une passion française?
P. H. Oui, et même mondiale, car il existe une vraie prépondérance de la pâtisserie française dans le monde. Il existe des cuisines japonaise, chinoise, marocaine, mexicaine… mais pour la pâtisserie, le savoir-faire français domine dans tous les restaurants gastronomiques du monde. C’est culturel. Par exemple, au Japon, l’idée que le sucré doit ponctuer le repas n’existe pas, la pâtisserie est plutôt liée au cérémonial du thé. Or la pâtisserie fait partie intégrante du repas à la française.
Qu’aiment les Parisiens?
P. H. Ils aiment retrouver des repères, des choses qu’ils connaissent: millefeuilles, éclairs, babas, tartes aux fruits… Puis les plus audacieux se laissent tenter par des créations dont ils ont entendu parler comme notre Ispahanou notre tarte Infiniment Vanille. En saison, la fraise a beaucoup de succès. Ce besoin d’être rassuré va jusqu’à la redécouverte de pâtisseries anciennes remise au goût du jour, tels le Paris-Brest ou le Merveilleux.
Et les touristes qui visitent Paris? Leurs goûts diffèrent?
P. H. Les gens qui viennent à Paris visitent les pâtisseries! Ce sont des consommateurs assidus, je le constate tous les jours dans nos boutiques rue Bonaparte ou aux Champs-Elysées. Les touristes recherchent des choses typiques de Paris comme les croissants, les éclairs, les macarons… Comme les Français, ils plébiscitent donc les classiques, puis s’aventurent à la découverte en consommant quatre ou cinq pâtisseries. Et ils ramènent énormément de coffrets souvenirs pour leurs familles.
A une époque où il faut être mince, la pâtisserie est-elle un plaisir coupable?
P. H. Il y a ceux qui se font plaisir, coupables ou pas, et ceux qui veulent absolument faire attention à leur poids et qui vont alors vers les fruits. De toute façon, la pâtisserie d’aujourd’hui doit proposer, en complément des produits habituels, des gâteaux sans sucre, sans gluten, vegan… La demande existe, c’est le sens de l’histoire. Dans le menu Healthy du Royal Monceau, nous proposons une tarte soufflée au chocolat et framboises sans sucre, sans gluten et sans lactose. Nos macarons et l’Ispahan sont sans gluten.
Ce qui n’est pas le cas de La Trompinette, votre dernière création, hommage à Boris Vian, en exclusivité pour le Café des Deux Magots à Saint-Germain-des-Prés. Pour ce lieu éminemment parisien, vous êtes-vous justement posé la question des saveurs à proposer?
P. H. Tout à fait. Il était question au départ pour cette religieuse –ma première! –d’un parfum café. Mais c’est une saveur segmentante, tout le monde n’aime pas le café. Nous avons donc choisi le chocolat et la framboise, plus universels. De même, lors des premiers essais, La Trompinette était plus forte en chocolat. J’ai ajusté pour plaire au plus grand nombre. Tout le monde n’aime pas le chocolat noir.
Avec les Cafés Pierre Hermé, dont un nouveau vient d’ouvrir au carrefour de l’Odéon, vous vous êtes lancé dans l’aventure du café. Pourquoi?
P. H. C’est une histoire d’amour entre le café et moi! C’est un produit que j’ai commencé à travailler en pâtisserie il y a huit ans et j’ai souhaité aller vers la boisson et le métier de barista. Faire un bon café ne relève pas du hasard, c’est un art. Il existe de très nombreux paramètres: choix du grain de café, qualité de l’eau, du moulin à café, manière de tasser… C’est beaucoup de technique et de savoir-faire et, point commun avec les pâtissiers, on travaille avec une balance. On pèse tout! Nous avons recruté des baristas et nous en formons. C’est un métier qui passionne les jeunes!
Propos recueillis par Philippe Latil
Photographie Stéphane de Bourgies
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