Avis de tornade sur l’humour féminin ! Une jolie brune aux yeux verts incarne la nouvelle génération du stand-up français. Son nom ? Mahaut Drama.
Irrésistible dans son personnage de bad bitch, la Drama Queen – titre du spectacle qu’elle joue à guichets fermés – brise les tabous de sa plume d’humoriste féministe décomplexée.
Un engagement qui remonte à 2018, date à laquelle elle a commencé le stand- up. «J’avais été saisie par le sexisme qui régnait dans ce milieu : en trois semaines, je suis devenue féministe radicale !» Rejointe par Lucie Carbone et Tahnee, deux autres humoristes engagées, Mahaut crée la toute première scène de stand-up féministe et queer bienveillante : le Comedy Love. Outre la politique, une de ses passions, ses sketchs parlent de santé mentale, de grossophobie et de violences infligées aux femmes. Faire rire et réfléchir sur des sujets engagés est son credo. Le tout en tenue ultra-glamour, histoire de prouver que le port d’un décolleté rose bonbon n’entrave en rien le bon fonction-nement de la matière grise. «Les couleurs et les paillettes sont des conducteurs de joie. Pourquoi serais-je obligée d’être masculine pour faire de l’humour ?» plaide celle dont les icônes se nomment Anna Nicole Smith, Jane Mansfield, Marilyn Monroe. «J’ai une grande admiration pour ces femmes qui ont souffert d’avoir été réduites à leur physique.»

©Fifou
«J’ai une grande admiration pour ces femmes qui ont souffert d’avoir été réduites à leur physique.»
Fille de parents «hyper-politisés, pas du tout du même bord» – sa mère est de droite, son père est anarchiste –, Mahaut di Sciullo a grandi à Paris. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle voulait être actrice ou styliste. Pour cette manuelle, «tordre la matière est un réflexe naturel. Qu’importe le médium, pourvu qu’on ait l’ivresse», peut-on lire dans le récit hyper- intime qu’elle vient de publier chez Robert Laffont Que jeunesse se passe. «Quand on a trop de feu en soi, ça peut devenir une souffrance», confie-t-elle. Son look «très affirmé» et sa per-sonnalité trop extravertie, trop intense, trop… tout, dérange. Résultat, elle collectionne les addictions : l’alcool, les substances délétères, la fête… «Ma passion pour la fête ne venait pas d’une volonté de fuir la réalité. C’était juste un lieu où mes défauts devenaient des qualités. Où j’avais la sensation que mes nuits sauvaient mes jours. Dans mon collège, un établissement catholique non mixte tenu par des bonnes sœurs, il y avait trop de règles que je voulais casser. Et puis, j’étais très complexée par l’image de grosse qu’on me renvoyait.»
Quel meilleur outil que l’humour pour se faire des amis et inciter à porter l’attention ailleurs que sur son poids ? Passant outre l’injonction de sa mère – «si tu veux être comédienne, tu quittes la maison» –, Mahaut s’accroche à ses rêves. Parallèlement à ses études (histoire, sciences politiques, puis journalisme), elle fréquente les ateliers théâtre, passe les concours des conservatoires, se présente à celui de l’école syndicale de la haute couture. En vain. «Et le seule-en-scène ?» lui suggère un professeur. Elle qui n’y a jamais songé intègre une école de one- man-show. Pendant neuf ans elle se produira dans les caves parisiennes. Jusqu’à ce que la journaliste Marie Bonnisseau lui propose d’être chroniqueuse humoristique sur Radio Nova. «Ça m’a sauvée ! Je commençais à croire que j’étais un monstre, que mon exubérance était plus un défaut qu’une qualité.» Elle officie ensuite sur France Inter, puis joue à l’Apollo Théâtre. Lorsque Yann Barthès l’invite à intégrer l’équipe de «Quotidien» en mars 2024, elle qui éprouve depuis longtemps l’envie d’associer humour et journalisme exulte.
A tout juste 30 ans, l’ex-reine des after a dompté ses démons, mais n’a rien perdu de sa verve piquante et convainc même les femmes d’un certain âge. «J’ai l’impression que mes propos leur fait presque plus de bien qu’à celles de ma génération. A Biarritz, une grand-mère de 94 ans m’a confié qu’elle aurait aimé les entendre avant. On se sent tellement utile dans ces cas- là !» Entre ses chroniques hebdomadaires, la tournée de son spectacle, la promotion du livre et la coécriture d’une série, Mahaut prend une jolie revanche. «De toute façon, si je n’avais pas réussi à percer, je serais devenue folle et me serais peut-être suicidée. Quand je vous dis que je suis intense !» Drama Queen, assurément.
Patricia Khenouna
En tournée jusqu’au 25 avril à l’Européen, Paris XVIIe
A lire aussi Florence Pugh: «C’est la liberté qui fait peur aux gens, le fait que je sois à l’aise et heureuse»