Partout où il joue Emmanuel 2, Manu Payet déclenche une magie avec son public. Une autodérision au sujet de la vie qui passe, avec ses joies et ses peurs… Manu Payet ne nous fait pas rire de notre époque. Au contraire, il nous la fait oublier. Salvateur !
Sur l’affiche d’Emmanuel 2, la suite d’Emmanuel, vous êtes toujours assis sur le célèbre fauteuil en rotin, mais, cette fois, habillé…
Manu Payet. C’est le thème du nouveau spectacle : j’ai 47 ans, fini la fête, il faut se rhabiller, notamment quand on devient papa.
Angoissé par votre âge ?
Un mot un peu fort… mais il me préoccupe un peu… Personne n’a envie d’avoir 47 ans. Démarrer le spectacle avec des vannes sur l’âge montre que je suis encore plus sincère qu’avant. Je ne le cache pas.
Le spectacle montre quand même une vraie nostalgie de la jeunesse ?
Oui, mais vieillir m’apprend tellement de choses. Je pense que je suis moins con qu’avant ! Je sais mieux ce que je veux, je n’ai plus d’ambition vaines et imprécises. Je suis plus mûr, je sais où sont les vraies choses. C’est pour ça que je suis rhabillé sur l’affiche : j’ai compris des trucs. C’est un cadeau de l’âge, je me sens beaucoup plus léger, moins encombré, car mieux guidé. Je ne suis plus perdu comme j’ai pu l’être.
Toute une génération de quadras va se reconnaître !
Tout à fait. Mais, tous les soirs, des jeunes de 20 piges me disent que je les ai fait rire en leur montrant ce qui les attend, ce que leurs parents ont connu. A la fin, j’ai moins de mal à donner mon âge.
Le vrai thème du spectacle, c’est votre paternité ?
Exact, c’est de raconter que j’ai fini par y aller ! J’aimais bien ma vie avant et j’ai eu peur qu’elle change, donc j’ai retardé cette paternité. Peur que cela modifie l’équilibre que nous avions trouvé dans notre couple : devoir rester tout le temps à la maison, ne plus pouvoir sortir dîner, faire la fête… Mais ce qui me faisait peur n’aurait pas dû me faire peur. Et j’ai une petite fille de 6 ans que j’aime à la folie !
On s’attend à ce que vous évoquiez votre relation de couple… mais non ! Pourquoi ?
J’en ai beaucoup parlé dans le premier spectacle, avant de prendre la décision de faire un enfant. Cette fois-ci, c’est le rapport entre le père et l’enfant. Pour le couple, ce sera le prochain spectacle, Emmanuel 3. (Rires.)
Comment l’homme de 47 ans que vous êtes se sent, à l’heure de #MeToo, de la déconstruction ? Dépassé ?
Pas dépassé, mais j’ai des choses à rattraper, à apprendre, à comprendre. Je sens que je dois m’intéresser à des choses dont j’ai pu ne pas prendre conscience qu’elles étaient importantes… L’époque a changé : on ne chante plus ensemble, garçons et filles, le Daniela d’Elmer Food Beat. Et c’est bien ! J’ai une fille, et ça remet les compteurs à zéro, il faut réapprendre les bases, et on souhaite que, plus grande, elle rencontre des personnes qui ont une nouvelle conscience universelle, une nouvelle mentalité. Je veux croire encore qu’aujourd’hui le meilleur ami des femmes, c’est l’homme ! A nous de faire en sorte que cela soit toujours vrai.
Entre wokisme, cancel culture et politiquement correct, l’époque permet-elle encore de rire d’autre chose que de notre propre histoire individuelle, afin de ne froisser personne ?
Moi, mon délire, c’est l’autodérision. Ce que j’adore, c’est de rire avec le public, c’est de partager quelque chose, la “magie invisible”, comme disait un auteur. J’essaie de faire oublier au public l’époque. On a tellement conscience qu’on vit une époque un peu “merdique” que notre métier est devenu d’une importance rare. Nous avons besoin de fantaisie, de légèreté, d’humour. Après les confinements, il est capital d’être à nouveau ensemble, mais à quoi bon être ensemble, puisque l’on n’est plus d’accord sur rien ? J’essaie donc de faire rire sur autre chose que l’époque. Et mon spectacle est là pour nous rappeler qu’avant d’être différents nous sommes tous pareils.
Propos recueillis par Philippe Latil
Photographie principale : © Matthieu Oulion
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