A 28 ans, Mathilde Alloin, très sensible aux enjeux écologiques et féministes, mène son combat à travers Skinswear, la marque de lingerie éco-féministe qu’elle a lancée il y a un an.
«Ado, j’avais une sensibilité mode et j’ai donc fait l’école Esmod International, raconte la créatrice. La lingerie a une dimension beaucoup plus intime que le vêtement, il y a l’idée de quelque chose de près du corps, qui colle à la peau, qui est à la fois une armure qui nous protège du monde extérieur et qui est en même temps la dernière chose qu’on dévoile avant la nudité.» Elle devient l’assistante de Valérie Delafosse, directrice artistique d’Eres. «Les marques de lingerie se divisent entre celles qui sont trop “gentilles” et celles qui sont trop sexualisantes. Elles véhiculent toutes une image de la femme qui ne m’intéresse pas», explique Mathilde Alloin.
Un bachelor gestion innovation au Conservatoire des arts et métiers et un master de management de la mode au London College of Fashion plus tard, elle participe à Orchid Project, une collection de sous-vêtements pour les femmes victimes de mutilation. «C’est à ce moment que m’est venue la conviction que l’on pouvait faire le bien à travers le beau. Se servir de la mode à des fins utiles, lui donner un sens.» De retour à Paris, elle crée avec une amie la start-up Endeer, spécialisée dans la lingerie en impression 3D. L’aventure dure trois ans, puis Mathilde Alloin mûrit un projet plus personnel. En attendant la fin des confinements, elle lance sur Instagram The Woman Project, série d’interviews de femmes à travers le monde.
«Je voulais mettre en avant des personnalités inspirantes et partager des profils de femmes remarquables par leur travail et non par leur physique», explique-t-elle. Une communauté se crée, et la marque Skinswear est lancée en juin 2021 chez Centre Commercial, boutique multimarque éthique parisienne. «La philosophie de Skinswear est de permettre aux femmes de se réapproprier leur intimité à travers une lingerie qui ne soit pas dégradante pour la femme et bonne pour la planète en termes d’écoresponsabilité, détaille la créatrice. En effet, dans les années 1960, l’homme – et je précise que je n’ai rien contre les hommes – a commencé à exploiter avec beaucoup plus d’intensité les ressources de la nature et également à exploiter la femme. Beaucoup d’abus ont eu lieu avec comme répercussion l’image d’une femme modèle, dont la lingerie contraint le corps, celui d’une femme-objet. Beaucoup de femmes se sont alors éloignées de cette lingerie qui représente une appropriation de notre intimité par les hommes. Skinswear leur propose de retrouver leur identité tout en créant de belles pièces, confortables, qui permettent aux femmes de se sentir belles, fortes, et pas un objet.»
Sur le plan éthique, Skinswear est fabriqué en France et utilise des tissus européens recyclés. Le recyclage est effectué par le réseau Métamorphose, qui œuvre pour la réinsertion des femmes victimes de violence. Engagé dans le collectif En mode climat, Mathilde Alloin demande aux autorités de réguler l’industrie du vêtement : «Car, aujourd’hui, ce sont les marques de fast fashion qui polluent le plus et qui gagnent des parts de marché, alors que celles qui essaient, comme Skinswear, de faire bien ne touchent pas un euro d’aide.» Le combat continue…
Philippe Latil
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