«Comédienne, c’est un vrai métier, ce n’est pas arriver le matin, être belle et se taire»
Qu’est-ce qui vous a séduite dans Les Traducteurs de Régis Roinsard ?
Olga Kurylenko. L’originalité de ce thriller, car il se déroule dans le milieu littéraire, a priori calme et feutré. Le spectateur ne s’attend pas à ce que cela vire rapidement «dark». Le suspense est très fort.
Vous avez vécu de près la catastrophe de Tchernobyl ?
O.K. Je suis née en Ukraine, j’avais 6 ans au moment de la catastrophe. Je vivais dans le sud-est du pays et le nuage radioactif est parti vers le nord-ouest. Même si je pense que la radioactivité était partout dans l’air, je ne suis pas une survivante de Tchernobyl. Nous avions peur et nous prenions des précautions : ma grand-mère m’interdisait de sortir sous la pluie, que tout le monde pensait radioactive…
Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin vous ouvre la possibilité d’aller travailler à l’Ouest…
O.K. Oui, mais cela n’a pas été aussi facile que cela. Il m’était impossible d’obtenir un visa français pour venir à Paris. Je suis rentrée dans l’espace Schengen avec un visa touristique portugais, et de là j’ai rejoint l’agence parisienne de mannequins qui m’avait repérée, en août 1996, j’avais 16 ans.
Cela ne vous a pas dérangée d’être un peu réduite au stéréotype de la belle fille de l’Est ?
O.K. Franchement, en arrivant à Paris, je ne pensais pas du tout à cela. J’étais juste contente d’avoir pu sortir de mon pays, de pouvoir travailler et gagner de l’argent. Ma famille en avait vraiment besoin. Vous savez, je suis venue à Paris par nécessité. Ma mère m’a dit que c’était notre seule chance de survie et que cette chance ne repasserait pas une seconde fois. Donc, en arrivant ici, je n’étais pas du tout dans un mood festif type «cool, je suis mannequin à Paris, faisons la fête !». J’avais une pression. Je devais absolument réussir, alors j’étais super sérieuse, je bossais, je ne sortais pas, je n’avais ni copains ni copines. J’étais recluse chez moi avec des livres, à apprendre le français. Alors, qu’on me catalogue comme mannequin à la beauté slave, je m’en fichais totalement ! (Rires)
Assez logiquement, au bout d’un moment, vous prenez le virage du cinéma…
O.K. Je faisais du théâtre à l’école, mais, chez nous, comédienne n’était pas un vrai métier, on ne pouvait pas en vivre. En tant que mannequin, je m’ennuyais intellectuellement, je ressentais un vide immense. Comédienne, c’est un vrai métier, ce n’est pas juste arriver le matin, être belle et se taire.
En 2008, vous êtes la James Bond Girl de Quantum of Solace : la fille la plus sexy du monde…
O.K. (Rires) C’est toujours assez drôle, parce que, dans la vie de tous les jours, je suis tranquillement en jean et tee-shirt… Ce rôle a tout changé. Du jour au lendemain, j’étais célèbre, et les portes d’Hollywood se sont ouvertes.
En 2012, dans A la merveille de Terence Malick, vous montrez enfin tous vos talents d’actrice…
O.K. C’est ce que je cherchais. (Rires) Quelle chance j’ai eu de rencontrer Terence ! Nous sommes devenus très amis et sommes toujours en contact. C’est un véritable philosophe, un bouddha très sage, spirituel et profond. Il a compris les vraies valeurs de la vie et il sait les exprimer avec des mots très simples. Il est génial !
Vous avez recentré votre carrière sur l’Europe . Pourquoi ?
O.K. Cela correspond à la naissance de mon fils. Je ne peux plus partir aux Etats-Unis pour faire une série toute une année, ou alors il faut que mon fils vienne avec moi, et c’est toute une organisation… A moins d’une proposition qui ne se refuse pas…
Pourquoi avoir déménagé pour Londres, alors que vous êtes très attachée à Paris ?
O.K. Avant Quantum of Solace, je n’avais qu’un agent, en France. Après le film, plein d’agents m’ont appelée, et j’ai signé avec l’un d’eux à Londres. Il m’a convaincue que ma carrière internationale impliquait d’être basée à Londres, où les Américains viennent caster. Et en même temps, je peux tourner en France, Paris est à deux heures de chez moi. Je suis deux à trois fois par semaine a Paris. J’aime cette ville.
Vous serez très présente sur les écrans début 2020 avec plusieurs films. Un mot de Romance, une série pour France 2 ?
O.K. C’est l’un des meilleurs souvenirs de ma carrière. L’équipe, le réalisateur, Hervé Hadmar, les acteurs Pierre Deladonchamps, Barbara Schulz… ont été formidables, et c’est une très belle histoire qui se déroule au début des années 1970. C’est esthétiquement très beau et ça parle d’amour. Il y a six épisodes, mais je rêve d’une seconde saison.
Comment se fait-il qu’une beauté comme vous ne soit pas l’égérie d’une marque de luxe ?
O.K. (Rires) Tout le monde me pose la question. Je ne sais pas. J’ai pourtant posé pour toutes les plus grandes marques de beauté quand j’étais mannequin. Peut-être m’a-t-on oubliée ? (Rires) Mais bien sûr que cela m’amuserait, je sais le faire. L’appel est lancé !
Propos recueillis par Philippe Latil.
«Les Traducteurs», en salle le 18 décembre.
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