La mode féministe, à peine devenue tendance, pourrait bien être rapidement ressentie comme du «feminine washing», comme il y a eu récemment le «green washing» en matière d’écologie. Tout part bien sûr d’une intention aussi indiscutable que vertueuse. Pouvoir pris par les femmes sur leurs désirs et leurs besoins en matière de vêtements, diversité des apparences, des formes, des genres, multiculturalité, respect de l’autre, des autres. Aimer son corps, s’aimer soi. Se donner la liberté de porter ce qu’on veut, quand on veut, sans se préoccuper, si on le souhaite, du fameux «male gaze», le regard des hommes… Les initiatives de Dior, comme l’incontournable tee-shirt «We should all be feminists», titre de l’essai publié en 2014 par la femme politique nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, celles de Zadig & Voltaire et même de ba&sh, à des degrés divers, allaient toutes dans ce sens, le bon. Mais, aujourd’hui, le signal le plus fort d’une mode féministe, c’est peut-être bien la mode masculine, qui enfin se débride et met les hommes à égalité avec les femmes.
En effet, le gala de charité new-yorkais organisé par le Costume Institute du Metropolitan Museum of Art (en mai), auquel assistent toutes les célébrités américaines, a été un signe parmi beaucoup d’autres : la mode masculine se libère enfin. Pour la première fois, cette année, les hommes ont été énormément photographiés, pas pour leur notoriété, mais pour leur tenue. Il est loin, le temps où un costume trois pièces rose déclenchait les flashs. Aujourd’hui, enfin, les hommes s’en donnent à cœur joie, expérimentent, s’affirment. S’habillent. Se vernissent les ongles et se maquillent.
A côté de certains invités, Timothée Chalamet, qui a pourtant été parmi les premiers à oser l’excentricité, avec sa veste de costume ouverte à même la peau de son torse nu, était cette année d’un classicisme presque décevant. Alton Mason en Prada, Kid Cudi en Kenzo, Lenny Kravitz en dentelle, Evan Mock en corset, Kelvin Harrison Jr. en strass de couleurs, Gunna en broderies dorées… Tout ça ne descendra pas dans la rue ? Pas sûr.
Elen Willer en collaboration avec Pierre-François Le Louët (agence NellyRodi)
Photographie principale par Victor & Simon © Cartier
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