Elle Fanning, 22 ans, si fraîche avec ses longs cheveux blonds de conte de fées et ses joues délicatement rosées… Sur chaque tapis rouge, tous les yeux sont rivés sur Elle, la muse que voici en face de nous en robe rose pâle Miu-Miu. Eclats de rire enfantins, mutine, modeste et passionnée, Elle Fanning nous parle de son parcours et de son actualité, très riche. La princesse d’Hollywood est-elle en train de devenir reine ?
On vous croyait sage et discrète. Et voilà que, sur chaque tapis rouge où vous apparaissez, de Cannes à Berlin, vous faites sensation en réintroduisant le glamour hollywoodien d’antan, avec un aplomb exquis.
Elle Fanning. Vous savez, ma vocation est liée à celle de ma sœur Dakota, pour qui toute la famille a déménagé à Los Angeles quand elle avait 5 ans afin qu’elle poursuive sa carrière d’actrice. Mais ce sont surtout nos jeux de gamines, nos déguisements, lorsque nous faisions semblant d’interpréter des rôles en nous donnant la réplique, ma sœur en Miranda Priestly, moi en Elizabeth Montgomery (l’héroïne du feuilleton «Ma sorcière bien-aimée», ndlr), qui a tout déclenché ! J’ai juste continué à «jouer» devant des caméras. Et j’ai toujours aimé la mode. Cannes, où j’avais fait mes grands débuts avec The Neon Demon, de Nicolas Winding Refn, et où j’étais l’an dernier le plus jeune membre du jury de toute l’histoire du festival, est le plus grand tapis rouge du monde. Vous devez regarder beaucoup de films, être sérieuse et concentrée, et en même temps vous savez que c’est là et nulle part ailleurs que vous pouvez arrêter le temps quelques instants avec vos vêtements et votre attitude. Depuis, j’adore faire des apparitions ! (Rires)
Vous choisissez votre style vous-même ?
E.F. Avec l’aide de ma styliste Samantha McMillen. Mais c’est moi qui ai eu envie de revisiter le new-look de Dior, à Cannes, avec le grand chapeau. Et de continuer sur cette tendance sophistiquée au Festival de Berlin, où nous présentions The Roads Not Taken, de Sally Potter. J’ai toujours revendiqué ma personnalité un peu spéciale, comme celle de Phoebe, mon personnage favori dans Friends, et mon besoin de m’amuser et de mener une vie particulier. J’ai toujours désiré ce conte de fées moderne.
Quel rôle ont eu vos parents dans votre parcours ?
E.F. Ma mère était joueuse de tennis professionnelle et mon père travaillait pour une équipe de baseball à Saint Louis. Ils nous ont donné, à Dakota et à moi, une ligne de conduite disciplinée et studieuse. Dakota est diplômée de l’université de New York, j’ai une formation de danseuse classique, de piano et de chant. Aujourd’hui, ma mère, ma grand-mère et ma sœur, nous vivons ensemble à Los Angeles. Cela vaut de l’or.
Comment choisissez-vous un projet ?
E.F. Quand on me propose de jouer Aurore dans Maléfique, une jeune fille aussi forte que féminine, c’est magique. En plus, je retrouvais Angelina Jolie, qui m’a enseigné en secret à être un peu moins candide dans ce milieu, et Michelle Pfeiffer, qui jouait dans mon premier film, Sam, je suis Sam. J’avais
2 ans, Michelle Pfeiffer a été ma première marraine de cinéma. Ensuite, j’ai eu la chance de côtoyer Cate Blanchett dans Babel et L’Etrange Histoire de Benjamin Button, et des mentors comme Sofia Coppola ! Elles m’ont donné cette confiance en moi sans laquelle je n’aurais pu devenir une héroïne de Woody Allen, sur les pas mythiques de Diane Keaton, dans Un jour de pluie à New York.
Parlez-nous de The Roads Not Taken, dans lequel Javier Bardem joue votre père, atteint d’Alzheimer précoce…
E.F. J’avais eu le privilège de travailler avec Sally Potter lorsque j’avais 13 ans dans Ginger et Rosa. Lorsqu’elle m’a demandé de lire le scénario de The Roads Not Taken, inspiré de sa propre expérience avec son jeune frère atteint d’Alzheimer, Javier Bardem était dans le projet. Jouer avec ce monstre sacré a de quoi vous rendre nerveuse. Il s’agit d’une histoire intime et sensible entre un père et sa fille. Je savais qu’il nous faudrait apprendre à vraiment nous connaître, d’autant que Sally aime travailler à partir des expériences réelles de ses acteurs. Nous avons beaucoup répété et partagé des souvenirs très personnels: lorsque la caméra a commencé à tourner, nous étions déjà devenus les personnages. Ce film déchirant m’a marquée à jamais. Je donnerais tout pour Sally Potter.
Vous avez coproduit le film pour jeunes adultes All the Bright Places, que l’on peut voir sur Netflix, où vous êtes merveilleuse en amoureuse, et la série en costumes The Great, à l’humour noir décalé à souhait, que l’on découvrira prochainement en France.
E.F. Je ne suis pas assez calculatrice, mais je sais que, lorsqu’un tournage se termine, c’est là où tout commence vraiment : le montage, le choix de la musique… Bien qu’étant encore très jeune, j’ai envie d’être de plus en plus impliquée dans le développement d’une histoire. All the Bright Places est un récit de mon âge, sur le pouvoir de guérison de l’amour entre deux jeunes gens fragilisés. J’en suis très fière. The Greats s’est décidé en rencontrant à Cannes Tony McNamara, le coscénariste de La Favorite. Tony avait sous le bras un scénario de film cru et très cocasse sur la vie de Catherine de Russie. Il m’a dit en me voyant: «Peut-être qu’on devrait en faire une série uniquement sur la jeunesse de la Grande Catherine, avec toi dans le rôle, et qu’on pourrait la produire ensemble?» C’est ainsi qu’on s’est retrouvés à «pitcher» le projet devant toutes les plateformes, Hulu, Netflix… Devant des hommes qui vous regardent avec des yeux ronds, ce qui est un exercice très déstabilisant! (Rires) Faire une série peut paraître long, six mois de tournage à Londres pour The Great, mais le tournage de Maléfique a duré à chaque fois cinq mois… Tout projet représente un pan de votre vie, et la frontière entre cinéma et télé a disparu.
Vous avez croisé au festival de Berlin Helen Mirren, qui, par coïncidence, joue aussi le rôle de Catherine de Russie dans une autre série (pour HBO) !
E.F. La seule, la vraie impératrice, c’est elle! Moi, j’ai juste un visage «d’époque» qui me mène tout naturellement vers les films en costume et les corsets… (Rires)
Vous allez, pour la première fois, être réunies à l’écran avec votre sœur dans Le Chant du rossignol, réalisé par Mélanie Laurent.
E.F. Enfin! Ma sœur et moi avons grandi sur les plateaux, mais nous n’avons jamais travaillé ensemble, nous en rêvions et Mélanie Laurent est la personne idéale pour orchestrer cette première fois. C’est l’adaptation du roman de Kristin Hannah, sur deux sœurs – très similaires à celles que Dakota et moi sommes dans la vie – entrant dans l’âge adulte à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en France. J’ignore comment travaille ma sœur, cela va être fascinant. Je sens que nous allons beaucoup apprendre l’une de l’autre.
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographie Williams&Hirakawa /August
«The Roads Not Taken», de Sally Potter, avec Javier Bardem, Elle Fanning, Salma Hayek.
Prochainement en France.
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