A 31 ans, Quentin Lechat a été nommé chef pâtissier du Royal Monceau-Raffles Paris. Retour sur un parcours, qui ne le destinait pas du tout à devenir un grand chef pâtissier.
A quel âge avez-vous commencé la pâtisserie ?
Quentin Lechat. Un peu tard… j’ai un bac littéraire et j’ai fait deux années de sciences politiques à Lyon. Mais je profitais plus de la vie étudiante que des cours… Un jour, au détour d’une conversation avec un ami parti en Erasmus au Brésil, je me suis rendu compte du rayonnement de la gastronomie française à l’international. Cela a éveillé ma curiosité. Je me disais que ce ne devait pas être très compliqué de faire à manger. En plus si cela pouvait me faire voyager et ouvrir mon propre restaurant: j’ai voulu me lancer! Je n’ai pas été accepté en cuisine alors je me suis rabattu sur la pâtisserie qui n’était pas ma vocation première… je suis beaucoup plus gourmand de salé que de sucré! Finalement la philosophie de travail en pâtisserie m’a plu et j’y suis resté. Je suis arrivé dans ce métier un peu par hasard mais la passion a pris le dessus.
Comment est venue la passion ?
Q.L. Il y a eu un déclic. En quelques mois, je suis passé de la fac et ses cours théoriques à la fabrication d’un gâteau avec de simples aliments. J’étais enfin dans le concret, je comprenais ce que je faisais, cette qualité du travail manuel s’est transformée en passion.
Où avez-vous commencé à exercer ce métier ?
Q.L. J’ai fait mon apprentissage au Chalet des Iles, je suis allé ensuite au Royal Evian et j’ai fait quelques restaurants à Paris. J’ai eu mon premier poste de chef pâtissier à La Trémoille, petite activité mais clientèle exigeante: j’ai pu me faire la main et expérimenter des recettes.
Quelles ont été les personnes les plus importantes dans ce parcours atypique ?
Q.L. La première, c’est sans doute mon chef d’apprentissage, Filipe Da Assunçao, qui était meilleur ouvrier de France: il m’a appris une certaine vision du métier plus que des bases techniques. Comme le monde est petit, et bien fait, c’est l’actuel chef exécutif des cuisines du Royal Monceau, on se retrouve 10 ans après! Le deuxième, pour une vision plus précise de ce qu’est la pâtisserie, je dirais Stéphane Arrête, toujours chef pâtissier de l’hôtel Royal Evian et la troisième, et ma plus belle rencontre, c’est Ophélie Malherbe qui est la directrice générale du Novotel Paris Les Halles, qui m’a laissé la liberté de faire mon tea-time dans son établissement. Au fil du temps c’est devenu une amie, mais que je vouvoie toujours (Sourire).
Justement, ce tea-time vous a rendu célèbre sur les réseaux sociaux, vous a fait remporter le premier prix décerné à l’occasion de la première édition du «Grand Prix de la Pâtisserie de Paris», comment passe-t-on du Novotel au Royal Monceau – Raffles Paris ?
Q.L. Un lundi au mois de novembre, j’ai reçu un appel de Filipe. Avec son style particulier, brut de décoffrage mais toujours bienveillant, il m’a dit: «Alors t’es pas mort toi ?» (Rires) Il m’a demandé si j’étais toujours pâtissier… Je l’ai vu, puis le numéro deux de l’hôtel, puis le directeur général, puis le représentant du propriétaire pour une dégustation…
Est-ce que vous êtes inspiré par d’autres grands chefs pâtissiers ?
Q.L. Mes sources d’inspiration sont très multiples, je vais évidemment m’inspirer de grands noms tels que Pierre Hermé, Philippe Conticini… et les générations précédentes qui ont commencé à transformer ce métier. Dans la nouvelle génération, sans aucun doute Cédric Grolet. Sa façon de travailler est dingue. Ses techniques semblent simples et évidentes sauf qu’il y a pensé au moins un an avant vous, c’est là tout son génie. Il a beaucoup d’avance dans le métier. Mais je m’inspire aussi des pâtissiers «amateurs» notamment sur Instagram. J’y passe beaucoup de temps…
Avez-vous une madeleine de Proust ?
Q.L. Si je force ma mémoire, les crêpes de mon père ou le baba au rhum de ma grand-mère…
D’où vous vient la recette du flan qui rencontre un très grand succès depuis son lancement au Novotel et que vous reprenez au Royal Monceau – Raffles Paris sous le nom de «flan royal» ?
Q.L. Il y a eu un goûter de famille avec mon père, excellent cuisinier, qui avait retrouvé une recette de flan qui venait d’un oncle de son père qui était boulanger en Sologne… Il l’avait réinterprétée avec des produits un peu plus modernes, je l’ai récupérée et reprise à ma manière. Pour moi, la pâtisserie est une réinterprétation des recettes, on n’invente plus grand chose…, avec des exceptions comme Aurélien Rivoire (pâtissier de l’année 2021), dont le travail est fou et terriblement inventif. Moi je n’ai pas l’impression d’inventer mais de faire différemment. Pour le flan royal, les vanilles utilisées sont nouvelles, le goût est plus fleuri et plus frais. En tout cas, je donne ma recette du flan sans problème sur les réseaux, pour que tout le monde puisse le faire, lancez-vous, même si c’est moche ce sera bon! (Rires)
Quels sont vos ingrédients préférés ?
Q.L. Le beurre demi-sel, c’est mon côté breton! Et je suis fou amoureux de la bergamote. Mais je n’ai pas encore trouvé de recette à sa hauteur, j’y travaille! (Sourire)
Quelle est la création dont vous êtes le plus fier ?
Q.L. C’est compliqué… Tous mes gâteaux! Grâce à eux j’en suis là aujourd’hui.
Propos recueillis par Sandra Hirth
Photographie par Roméo Balancourt
A lire aussi : Le jeune chef Mory Sacko décroche sa première étoile