Alfred Hitchcock aurait adoré cette blonde froide. Révélée dans un James Bond en agent glacial il y a dix-neuf ans, l’anglaise Rosamund Pike connaît aujourd’hui un embrasement de sa carrière. Marie Curie dans Radioactive, reporter de guerre dans Private War, elle a reçu une nomination à l’Oscar pour son rôle de manipulatrice cruelle dans Gone Girl de David Fincher. Une veine qu’elle pousse à l’extrême dans I Care a lot que l’on peut voir sur Netflix, où elle campe une tutrice légale qui vit sur le dos de patients de maisons de retraite. Avant de nous montrer encore un autre visage dans La Roue du temps, une série d’héroic fantasy américaine au croisement du Seigneur des anneaux et de Game of thrones, qui sera diffusée prochainement sur Amazon Prime Video. Rosamund Pike, le feu sous la glace.
De Meurs un autre jour aux côtés de Pierce Brosnan, ou Orgueils et préjugés de Joe Wright, au rôle machiavélique de I Care a lot, jusqu’ à devenir la figure de proue d’une série très attendue d’héroic fantasy : comment voyez-vous votre parcours d’actrice ?
Rosamund Pike. J’ai commencé jeune au théâtre, je suis issue d’une famille d’artistes (ndlr :ses parents sont chanteurs d’opéra). Mon parcours, c’est ma vie, avec beaucoup de travail, d’exigence, il en faut pour se faire respecter. Et d’envie. Un rôle aussi vertigineux que celui de Marla dans I Care a lot, une histoire inspirée de faits réels, mais qui est traitée par le réalisateur J Blakeson, comme une comédie noire, j’en rêvais.
Ce type de rôle est plutôt d’ordinaire réservé aux hommes…
Exactement ! Je me souviens lorsque j’avais vu Le Loup de Wall Street, de Martin Scorsese, m’être dit : «Mais pourquoi on n’écrit pas ce genre de rôles pour une femme ?» Voir des gens intelligents se comporter très mal peut-être vraiment drôle. Les rôles pour les femmes sont toujours reliés à ce qu’on attend d’elles traditionnellement : être un soutien, une mère, gentille, chaleureuse… Jouer le rôle d’une femme qu’on devrait détester mais qu’on ne peut s’empêcher d’admirer, il fallait que je m’y essaie. Je voulais repousser les limites, c’était d’autant plus faisable que les victimes de Marla, comme la retraitée jouée par Dianne Wiest, ne sont pas celles qu’on croit. Pousser le bouchon dans une satire très noire permettait de dénoncer l’impunité dont jouissent des personnages qui profitent de leur situation, de façon que je trouvais très originale. J’avais déjà touché à ce jeu de duplicité dans Gone Girl : comprendre la faiblesse des gens, la possibilité de les manipuler tout en restant hermétique à leur détresse. Toute analogie avec la politique est fortuite ! (Rires).
Vous avez fait des comédies comme Johnny English, vous êtes une Marie Curie impeccable, nous vous avions adoré dans le western Hostile, aux côtés de Christian Bale… Comment vous préparez-vous à vos rôles ?
Je fais toujours des recherches très poussées pour un film. Pour Hostile, j’étais portée par l’ambiance. Dans le cas de Marla,qui est un prédateur, j’ai pris comme elle des cours de «spinning», ces cours de vélo d’intérieur hyper hardcore avec la musique à fond, ce que je n’avais jamais fait. Lorsque vous vous tenez debout sur votre vélo, les bras dans une position agressive, avec l’instructeur qui vous harangue, c’est très animal, avec l’envie de mordre. Cela m’a beaucoup aidée à comprendre cette énergie primale. J’ai aussi appris à retenir mon souffle longtemps pour la scène de l’accident sous l’eau. Nous avions prévu de nombreux plongeurs pour me sortir de là, mais c’était intense. En revanche, durant mes recherches, j’ai appelé plein d’agences de tutelles des personnes âgées pour savoir si de tels abus étaient fréquents : aucune ne m’a répondu…
Que peut-on faire aujourd’hui pour mieux respecter les personnes âgées ?
J’aime profondément la culture chinoise, et un des aspects que j’aime dans cette culture, c’est justement le respect des aînés et de la sagesse qui les accompagne. J’ai toujours aimé partager, et honorer l’expérience des “anciens”. Notre société est tellement obsédée par la jeunesse et la nouveauté, nous oublions tout ce que nous pouvons apprendre de l’âge.
Les fans de la série de livres de Robert Jordan, La Roue du temps, vont bientôt vous découvrir dans son adaptation en série, avec de longs cheveux bruns…
Je n’ai jamais lu ce genre de livres, je n’ai jamais ouvert un Tolkien de ma vie, mais j’avais adoré Le Seigneur des anneaux au cinéma. J’ai aussi aimé la façon dont La Roue du temps traite de la magie à travers la dualité entre la masculinité et la féminité, dans un monde où les femmes ont un pouvoir dont les hommes ont abusé, et, du coup, perdu. Moiraine Damodred est un rôle très spécifique, pour lequel j’ai dû “me servir” des énergies de l’univers, les reproduire. C’est justement parce que ce genre est si éloigné de moi, que ce rôle offre m’a autant séduit.
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographies par Sam Jones
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