Cape flamboyante, lunettes bling-bling, cheveux peroxydés… derrière le Steinway de concert, le look iconoclaste de Sofiane Pamart détonne. Mais dès qu’il pose ses doigts sur le clavier, il met tout le monde d’accord. A commencer par les rappeurs, dont il est la coqueluche : Vald, Kery James, Medine, Grand Corps Malade, Scylla (avec qui il a réalisé deux albums)…
Il faut dire que le “Piano King” n’a pas son pareil pour habiller leurs flows de mélodies néoclassiques. Même la diva soul Kimberose et le chanteur belge Arno adoubent cet artiste qui compose depuis l’âge de 8 ans. Surdoué, Sofiane Pamart ? Assurément. Ambitieux ? Cela ne fait aucun doute. Quand on veut devenir «le pianiste numéro un dans le monde», il faut au moins ça. L’intéressé précise avec une désarmante simplicité : «J’entends par là “le plus populaire”.» Transmettre au plus grand nombre les émotions du piano sans jamais faire aucune concession sur la profondeur et la virtuosité, telle est sa quête. Une stratégie payante puisqu’en 2020 Sofiane Pamart a intégré le top 10 des artistes de musique classique les plus streamés au monde.
N’étant pas issu d’un milieu musical, ce petit-fils de mineur marocain qui a grandi dans la banlieue de Lille a dû redoubler de persévérance. Par chance, ses parents sont mélomanes. Le père est féru de chansons à textes (Brel, Ferré, Barbara), la mère, professeure de lettres, ne jure que par la musique classique, et l’oncle “cool” de la famille lui refile le virus du rap. Nourri au mélange des genres, Sofiane se forge une playlist à l’image de ce métissage – appréciant aussi bien le flamenco que les BO de films, l’univers des mangas ou celui du réalisateur Miyazaki. «La valeur d’une musique, c’est sa capacité à toucher le cœur», martèle-t-il. Son premier contact avec un piano, un joujou à 12 touches, remonte à l’âge de 4 ans. Coup de foudre immédiat. Stupéfaite de l’entendre reproduire la musique du Parrain ou les sons de Dragon Ball Z et des Chevaliers du Zodiaque, sa mère comprend qu’il a l’oreille absolue et l’inscrit illico au conservatoire de Lille. Médaillé d’or à 23 ans, Sofiane y a passé une quinzaine d’années, fier d’être le premier de la famille à maîtriser la lecture et l’écriture des partitions. «Tout comme ma mère fut la première à apprivoiser la langue française entre deux parents qui ne savaient ni lire ni écrire.» Morceau après morceau, lui qui ne jurait que par 113, Rim’K, les Princes de la Ville ou NTM, découvre alors les grands compositeurs classiques, parmi lesquels Chopin et Ravel, ses idoles.
En 2019, ce nomade dans l’âme exprime sa passion pour les voyages dans un premier album solo, Planet, dont les mélodies contemplatives remportent un succès colossal. «J’aime saisir l’énergie, l’émotion d’un moment précis, d’un regard, d’un partage. Les paysages et l’humain ne cessent de m’inspirer.» Le public aussi, auquel Sofiane rend un hommage appuyé dans son tout dernier album, Letter, sorti le 11 février dernier et composé dans six pays d’Asie. «Son amour et son soutien me touchent. Il m’a sorti de ma solitude, celle de l’artiste face à son instrument, et me permet de jouer dans les salles mythiques du monde entier.» A l’instar de Pleyel, dont les places se sont arrachées en trois jours pour ses concerts des 10 et 18 mars prochain. Mais, surtout, l’Accor Arena (20 000 places) de Paris-Bercy, où il sera le tout premier pianiste soliste à se produire, le 17 novembre 2022. Une pression que Sofiane gère aussi rigoureusement qu’un sportif de haut niveau, à l’aube d’atteindre deux de ses plus inaccessibles étoiles. «Comme quoi, celui qui n’abandonne pas finit forcément par gagner un jour (Rires) !» Surdoué, ambitieux, et philosophe.
Patricia Khenouna
Photographie principale par Romain Garcin
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