« L’art n’est pas ce que vous voyez, mais ce que vous faites voir aux autres », disait Edgar Degas. La maxime semble avoir été écrite sur mesure pour Thomas Havet.
En quelques années, le fondateur de DS Galerie, un espace situé dans le haut Marais à deux pas de la place de la République, est devenu l’un des acteurs majeurs de la nouvelle génération de galeristes parisiens. Revendiquant une programmation “multifacette”, ce trentenaire d’origine lilloise multiplie les initiatives pour que les artistes issus de la scène émergente puissent montrer leur travail. «Une galerie, ce n’est pas seulement un commerce d’idées, de pensées et d’immatériel, mais aussi un seuil. L’oeuvre, tout juste sortie de l’atelier, y est soumise au regard des autres et va rencontrer son futur propriétaire. C’est fascinant. Rien n’est plus excitant que de susciter des vocations de collectionneur !» s’exclame-t-il. Grand admirateur du peintre américain Cy Twombly, mais aussi d’Yvon Lambert et de Jérôme Poggi, deux figures tutélaires du marché de l’art contemporain, Thomas Havet est à la fois curateur et architecte. Un cumul de mandats qu’il assume avec la gourmandise caractéristique des hyperactifs.
En 2004, encore adolescent, il tombe en arrêt devant l’exposition inaugurale de la Maison rouge (disparue depuis), d’Antoine de Galbert, une installation de quinze boîtes reproduisant grandeur nature des pièces d’habitations privées de collectionneurs. «Cela connectait deux dimensions qui me sont chères: l’architecture intérieure et le fait de vivre entouré d’oeuvres d’art.» Douze ans plus tard, guidé par l’envie de rassembler des artistes dont il apprécie le travail, il décide d’organiser des expositions au sein de son appartement parisien. «Je n’en avais parlé à personne, persuadé qu’aucun d’entre eux n’accepterait de pénétrer chez un inconnu !» Il se trompe. Antonin Anzil, Théa Brion, Julie Brugier, Idir Davaine, entre autres, relèvent le défi. Et le public se déplace. A raison de quatre accrochages par an, le projet, baptisé Double séjour, prend une ampleur inattendue et devient nomade entre 2017 et 2020, migrant à Marseille, Arles et Bruxelles, dans une agence d’architecture (Franklin Azzi), une chapelle, un couvent, un parking… «Ce qui m’intéresse, c’est d’explorer la manière dont les œuvres interagissent entre elles au sein d’un lieu chargé de sa propre histoire», explique Thomas Havet, qui décroche une résidence à Poush (incubateur artistique aujourd’hui à Aubervilliers) pendant un an et éditera un livre, Double séjour, volume.
En mars dernier, au terme de six ans d’existence émaillée de 25 expositions, le jeune homme éprouve l’envie de sédentariser ce projet curatorial afin d’accompagner les jeunes pousses dont il a favorisé l’éclosion. Exit Double séjour, bonjour DS: deux niveaux d’exposition distincts, avec un espace signature, Le Salon, qui «offre une perspective différente sur la relation entre l’oeuvre d’art et l’intimité d’un appartement privé». La boucle est bouclée… Les cimaises de DS Galerie ont déjà accueilli la singulière Alison Flora, qui peint avec son propre sang, ou le Colombien Andrés Barón, dont l’exposition Grammars vient de s’achever. L’Allemand Kolja Kärtner Sainz, venu présenter son tout premier solo show (Perpetuum), conjointement avec Margaux Meyer. «Si l’on m’avait prédit une carrière de galeriste, je ne l’aurais jamais cru. Cette trajectoire s’est imposée à moi. Je me sens tellement chanceux d’avoir la confiance des artistes! A moi de les porter le plus loin possible, d’en découvrir d’autres et de grandir ensemble.»
DS Galerie
15 rue Béranger, Paris IIIe
www.dsgalerie.com
Patricia Khenouna
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