«Salut !» lance Timothée Chalamet, cet acteur franco-américain de 25 ans, dans son français charmant, débordant d’énergie juvénile. Regard pur, boucles de néo-dandy : un ange. Toujours le mieux habillé, le plus audacieux, le moins prétentieux, tout ce qui, trois ans après sa mémorable nomination à l’Oscar du meilleur acteur pour Call Me By Your Name, a fait souffler un vent d’air frais à Hollywood. Son ascension planétaire rappelle celle de Leonardo DiCaprio, avec qui il vient justement de tourner Don’t Look Up, d’Adam McKay, avec Jennifer Lawrence, l’histoire de deux astronautes qui doivent prévenir l’humanité de la collision imminente d’une comète avec la Terre. Pas mal, pour cette star montante aussi formidable chez Wes Anderson que dans Dune, dont la suite pourrait se tourner dès l’an prochain. Il va également retrouver son mentor Luca Guadagnino pour Bones & All – un film d’épouvante, cette fois ! –, incarner le chocolatier Willy Wonka, jeune, pour la Warner… La «chalamania» ne fait que commencer.
D’étudiant en art à nouvelle idole des jeunes : comment voyez-vous votre trajectoire ?
Timothée Chalamet. Mes années scolaires ont entièrement formé l’acteur que je suis devenu. J’ai étudié un an à Columbia, mais surtout à LaGuardia High School of Music, Art and Performing Arts, un lycée new-yorkais public préparant aux arts. Une expérience géniale. Je n’ai pas vraiment su que je voulais être acteur avant l’âge de 13 ans. Comme je viens d’un milieu artistique (il est né à New York d’un père français travaillant pour l’Unicef et d’une mère américaine danseuse et actrice de Broadway ; sa sœur aînée, Pauline, commence aussi à se faire un nom, ndlr), je connaissais la dure réalité de ce métier : c’est-à-dire tourner dans des pubs pour grappiller un petit chèque… J’ai tourné très jeune dans des pubs. Mais on nous enseignait aussi l’autre aspect du métier : l’art du jeu, et comment le développer. J’ai toujours gardé à l’esprit l’enseignement «non commercial» qui m’a été inculqué, loin des notions de vedettariat et de box-office. Après mon diplôme, j’ai décroché le rôle du fils de Matthew McConaughey dans Interstellar, de Christopher Nolan, ce qui m’a permis de pouvoir choisir mes projets : Call Me By My Name, Beautiful Boy, The King, Ladybird, Les Quatre Filles du Docteur March… Le cinéma indépendant m’attire. En même temps, lorsque des réalisateurs aussi bons que Greta Gerwig ou Denis Villeneuve vous proposent un projet, la démarche est la même : on ne se pose pas la question de savoir si on fait un film indépendant ou une grosse production, on salue la chance, on fonce ! Et ensuite… on continue (Rires).
Et une suite de Dune est déjà dans les starting-blocks !
J’espère vraiment que la suite va se concrétiser. Ce serait un rêve. Denis Villeneuve, comme David Michôd, qui a réalisé The King, est si doué. Je me sentais très reconnaissant à l’idée qu’il pense à moi et de devenir un des petits maillons dans le processus géant de son film. Denis est québécois, nous communiquions en français. Tourner ce film a été l’honneur
de toute une vie. Un film énorme au premier abord, le tournage a duré cinq mois, mais où, comme le dit si bien mon amie Zendaya, il suffisait de se laisser guider.
Un mot sur la «marche des sables» que vous exécutez dans Dune ?
C’est Benjamin Millepied, l’un des meilleurs chorégraphes du monde, qui l’a créée, en nous envoyant d’abord une vidéo de lui exécutant cette marche sur une plage de Santa Monica… avant que je ne la reproduise dans le désert d’Abu Dhabi où nous avons tourné une partie du film. J’adore la danse. J’en redemande !
Vous incarnez l’exubérance de la jeunesse…
J’avais adoré, dans Les Quatre filles du Docteur March de Greta Gerwig, qu’elle fasse une adaptation qui ne se base pas sur les genres, féminin ou masculin, mais qu’elle emporte tout en mettant en scène ce tourbillon fou de la jeunesse. Quand on grandit comme moi dans les années 2000, les gens attendent que vous sachiez déjà tout de la vie. Or l’un des mystères et l’une des beautés d’être un humain, c’est que vous n’avez pas besoin de tout savoir.
Êtes-vous resté proche de vos racines françaises ?
Oui. Ma double nationalité m’a donné une bonne compréhension à la fois de la culture américaine et française. Cela aide mon travail d’acteur, pour appréhender l’ambiguïté de l’identité. Je dois surtout à mon père de m’avoir fait comprendre les problèmes de l’Amérique, et je me revois grandir avec ses disques de Jacques Brel. Ma mère, elle, écoutait des musiques de comédies musicales de Broadway, et moi j’étais fan de hip-hop. Je vis maintenant à Los Angeles pour le travail, mais je serai toujours un New York boy cosmopolite.
Votre image mélange avec élégance les codes masculins et féminins. Vous sentez-vous comme le porte-parole d’un nouvel homme moderne ?
Je l’ignore, même si c’est un sujet dont je parle avec mes parents, comme je parle de ma carrière avec eux. Je suis mes goûts et mes inspirations du moment. Mais ce qui compte le plus pour moi, comme chez ces acteurs qui sont mes modèles, Joaquin Phoenix, Al Pacino, Christian Bale, Leonardo DiCaprio, c’est de travailler avec de bons réalisateurs.
Que faites-vous entre les tournages ?
J’essaie de me reposer et j’ai mes vieux amis new-yorkais qui ne sont pas du tout impressionnés par le statut de star.
Je peux compter sur eux pour me garder la tête froide (Rires). Il y a tant d’excellents acteurs et actrices pour si peu d’opportunités. Mes copains de lycée n’ont pas encore percé, alors qu’ils sont si talentueux. C’est pourquoi j’aime l’explosion des séries, cela aide un peu à réduire le chômage chez les acteurs. Je suis jeune et j’ai déjà fait beaucoup. Le simple fait de répondre à vos questions est une chance, même si je ne veux ennuyer personne avec ma vie. Maintenant, il va falloir durer. Et ce ne sont pas les tapis rouges qui le permettront. Seul mon travail d’acteur décidera de ma carrière.
Propos recueillis par Juliette Michaud
Photographie par © Corina Marie Howell / August
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