Natacha Dassault parle du travail de Ru Xiao Fan et de son exposition « Chapitre 1 : Rivages sans Rivages – Printemps » actuellement exposée à la NAG galerie.
«Cette exposition, je l’aurais voulue plus grande encore. Nous avons décidé avec Ru Xiao Fan, de faire plusieurs chapitres parce qu’il a un univers très large, c’est donc maintenant le Chapitre 1, dans quelque temps j’espère que nous aurons l’honneur de faire les chapitres 2 et 3. Tout ce que véhicule l’artiste est comme un hommage rendu à Olivier Dassault: Xiao Fan est un grand technicien, il a fait les Beaux-Arts en Chine et à Paris, sa technique est pointue, affinée… On sent une maturité profonde. Son travail, est pour moi un travail double, un travail entre deux mondes, celui de l’Asie et celui de l’Europe. Il y a aussi tout un travail esthétique qui moi m’enchante car personnellement j’aspire a toujours trouver une forme d’esthétisme dans l’art, le message est important, mais garder une forme d’esthétisme est essentiel.»
«Nous sommes évidemment dans un monde avec une spiritualité, très imprégnée du bouddhisme. Notamment par les petits étudiants: des jeunes gens qui veulent devenir moines. On pourrait penser les voir avec des figures plus iconiques de la philosophie du bouddhisme. Non, ils sont représentés dans des scènes de la vie quotidienne, avec des têtes de chou, qui sont des têtes de fleurs et un corps, qui est un corps pris dans la vie moderne, ordinaire. Ce sont des personnages en quête d’une spiritualité. Et tout ça est une très jolie symbolique parce que dans cette vie quotidienne, dans cet ordinaire il y a une forme de pureté et d’élévation. Parce qu’au fond qu’est-ce qui rend vraiment heureux ? Quel est le vrai bonheur ? Ne serait-ce pas cet ordinaire du quotidien ? Se faire un thé, pouvoir humer une fleur… Ici nous ne sommes pas dans le monde superficiel de la consommation. Nous avons une opposition par rapport au Pop Art qui lui, met en avant la consommation, Xiao Fan c’est l’apogée du monde ordinaire simple.
En 1957, en Chine, Mao décide de lancer une campagne, la révolution des 100 fleurs, où il propose aux intellectuels et aux artistes de s’exprimer à travers 100 fleurs. Un “doux message” mais où les intellectuels se sont finalement retrouvés pris au piège et ça a été terrible. Les autorités ont fini par considérer que posséder des fleurs chez soi était une forme de capitalisme et de richesse… Tout cela a marqué Xiao, qui à l’époque avait 4 ans. En 1966, c’est la révolution culturelle, Xiao fait l’école des Beaux-Arts en Chine, puis à Paris, il retourne en Chine en 96 où il réalise qu’il doit s’exprimer par rapport aux horreurs que la Chine a vécu. Toutes ses têtes et tout cet univers des fleurs est comme un pied de nez à ce monde castrateur où on a empêché la poésie, la littérature, la musique… Des œuvres où il veut exprimer l’opposition entre la culture et la privation de fleurs. C’est un travail très fort, d’identité, de liberté, de poésie… ce sont toujours des fleurs, très belles, extrêmement bien dessinées, entourées de brindilles, de branches d’arbres qui représentent par exemple un intestin, car il faut digérer la consommation, digérer le capitalisme pour retrouver une certaine poésie de vie. Car au fond qu’est-ce qui compte ? C’est le bonheur quotidien, la vraie philosophie, la vraie méditation. C’est arriver, avec de petites choses, à trouver la sérénité. Il y a dans ce travail, une grande puissance.»
NAG Galerie
Ru Xiao Fan – Chapitre 1 : Rivages sans rivages
104 avenue Raymond Poincaré, Paris XVIe
www.not-a-gallery.com
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