Il dessine, colorie, puis découpe au scalpel avec minutie, affine, retouche, assemble et colle…
Victor Cadene est un artiste décorateur qui superpose formes et couleurs pour réaliser des tableaux-collages délicats et fragiles où on devine l’influence de la peinture baroque et du style Rococo, des Nabis et de Matisse… Très jeune, il rencontre la coloriste-plasticienne Edwige Delcambre, qui l’initie à la couleur, à l’histoire du mobilier et à celle des arts décoratifs. Sur ses conseils, il part à l’Ecole des arts appliqués de Valence. Il passera ensuite deux ans à Milan, côtoyant la scène artistique vibrante de la capitale lombarde. Aujourd’hui, dans son atelier près de Fontainebleau, il explore les différents procédés des arts décoratifs et participe à de nombreuses collaborations: il réalise des scénographies pour Diptyque et Hermès, des illustrations, des créations pour Double J, Pinton, Mériguet Carrère, Artcurial, l’Orient-Express et Christie’s… un paravent pour la maison Thévenon, des tapis pour Pinton, des éventails pour Duvelleroy. Il vient de présenter à la Galerie Chenel sa première tapisserie, Carpaccio, un projet autour de l’antiquité inspiré d’un voyage à Rome. Entretien.
Pourquoi avez-vous choisi le médium papier et la technique du collage ?
C’est une technique ludique et authentique, elle me permet des recherches autour de la composition. Plus que la précision de mon trait, c’est la spontanéité du geste que je recherche et l’émotion de la couleur.
D’où vient votre passion pour la couleur ?
Grâce à une belle rencontre durant mon adolescence, une coloriste m’a pris sous son aile et m’a appris mois après mois à composer des tons, à “travailler mon œil”. C’est ce qui a précédé mes dessins. Encore aujourd’hui, la couleur est un axe à part entière dans mon travail. Récemment, j’ai été invité par la maison Diptyque à constituer un nuancier unique destiné à son identité visuelle. La totalité des devantures de boutique dans le monde vont être prochainement repeintes avec la première couleur que je leur ai créée.
Pensez-vous que la beauté «guérit le monde», qu’elle «rend notre monde supportable» ?
Je suis en perpétuelle recherche d’une forme de “beauté”. Cela passe bien entendu par ma pratique artistique, mais également dans mon quotidien: quand je dresse mon assiette pour le déjeuner ou bien en me rendant à pied à un rendez-vous, je ne prends jamais le chemin le plus court, mais le plus esthétique. Pour moi, la beauté se définit dans la sincérité, l’authenticité avec laquelle on fait les choses. Je suis persuadé qu’elle guérit l’âme.
Vous avez réalisé la tapisserie Capriccio. Quelle différence avec le collage ?
Je souhaitais justement voir peu de différences entre mes œuvres de papier et la tapisserie. Quand Patricia Racine, de la maison Robert Four, m’a invité à dessiner cette œuvre, j’avais pour challenge de retrouver à travers ce nouveau médium ce qui fait “l’identité” de mon travail: dessins, papiers marbrés ou monochromes, reliefs du collage… Visiblement, cela a été réussi, au vu des retours des visiteurs de ma dernière exposition à la Galerie Chenel, lors de la dernière Design Week.
Vous avez réalisé de nombreuses collaborations. Pensez-vous que votre art est déclinable sur de nombreux supports ?
Oui, ma technique me permet de travailler sur de nombreuses collaborations qui me permettent d’explorer les différents procédés des arts décoratifs: des vitrines pour Diptyque, des dessins pour Le Monde d’Hermès, des étiquettes de bagages pour l’Orient-Express… Les matières dont je rêve avec mes feutres et mes ciseaux deviennent papier peint, soieries ou laine. J’ai la chance d’être sollicité régulièrement pour de nouvelles collaborations. Mon dessin s’inscrit donc dans de nouvelles techniques, ce qui affûte ma créativité et mon enthousiasme!
Propos recueillis par Claude Maggiori
Photographie principale © Eve Campestrini
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