Vincent Ruffin peint intensément, il utilise la matière peinture pour installer un climat, une tension. Les objets et les personnages représentés sont généralement flous, mais étonnamment présents. Comme extraits de la peinture, recréés par les tons et les couleurs.
Les couleurs sont-elles un moyen pour vous de faire passer des émotions ?
Pour moi, la couleur est bien plus qu’un simple élément esthétique, c’est un langage universel, un vecteur d’émotions. Dans mon travail, elle sert à créer un univers, une ambiance, une résonance émotionnelle. Je suis profondément sensible à l’art qui touche, qui transporte, et je me tiens à distance des approches purement théoriques ou intellectuelles. Une œuvre doit avoir cette capacité rare de faire voyager, de m’emporter dans un ailleurs, au-delà du visible. La couleur, par sa nature même, a ce pouvoir unique de transmettre des sensations et des émotions de manière immédiate, presque instinctive. C’est ce qui me fascine et guide mon application.
Le flou de vos tableaux vous permet-il de mieux traduire vos intentions ?
Le flou dans mes tableaux est un moyen pour moi de m’exprimer autrement. Il traduit l’incertitude et la fugacité des expériences humaines tout en me permettant de garder une certaine distance par rapport à ma propre expérience personnelle. Ce n’est pas une manière de raconter une histoire précise, mais plutôt d’évoquer des moments évanescents qui invitent à l’introspection. Le flou offre également une liberté précieuse au spectateur. En laissant les contours indéfinis, chacun peut interpréter l’oeuvre selon ses émotions, ses souvenirs ou son imaginaire. C’est aussi une porte ouverte à l’évasion, une façon de se détacher du réel pour explorer d’autres univers. Ce dialogue entre l’oeuvre et le regard de l’autre est pour moi essentiel.
Vous malaxez la matière picturale comme si vous cherchiez à en faire surgir quelque chose de profond…
Pour moi, travailler la matière, la peinture, est avant tout un geste d’expression. Aujourd’hui, ce geste devient le moyen d’exprimer l’essence même de ce que je suis à un instant donné. Ce n’est pas un processus intellectuel, mais plutôt une manière de traduire un état d’âme, un ressenti profond qui émerge naturellement à travers le geste. Chaque mouvement, chaque texture est un moyen de faire surgir quelque chose de subtil, d’intime, un écho de ce que je vis au moment où je crée, pas une quête de perfection formelle, mais une recherche sincère de l’émotion brute, pure. A travers cette approche, je cherche avant tout à faire ressentir une ambiance, une vibration, et à laisser au spectateur la liberté de s’y retrouver, de se l’approprier.»

Vincent Ruffin
Olivier Castaing/School Gallery, 322 rue Saint-Martin, Paris IIIe
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