Il y a dans les errances de son regard bleu-vert un je-ne-sais-quoi de ténébreux et de solaire. Une dualité photogénique dont les caméras raffolent. Avec déjà huit longs-métrages à son palmarès, Yoann Zimmer s’impose comme une étoile montante. Pourtant, ce jeune acteur belge de 28 ans, grand admirateur de Depardieu, DiCaprio et Mads Mikkelsen, le reconnaît : il n’a «pas baigné enfant dans un milieu de cinéphiles et n’a jamais eu de connexions avec le cinéma». Yoann est un enfant de divorcés qui grandit à Namur dans une ambiance mi-rurale, mi-urbaine, entre une mère prof de français et un père pro de la logistique. Son cinéma ? Il se le fait tout seul. «C’était l’époque des cassettes. J’ai vu et revu The Mask, 20 000 lieues sous les mers… Avec mes frères, on enregistrait aussi des clips de rap. Je voulais devenir footballeur. J’ai même fait dix ans en championnat. Mais, à 12 ans, si tu n’es pas sélectionné ou repéré, c’est mort !»
L’ado un brin rebelle se retrouve barman à Avignon, entraîné par sa sœur aînée, comédienne de théâtre forain. «Je ne me voyais pas évoluer dans le même univers qu’elle, mais l’ouverture d’esprit qui animait la troupe m’attirait. Ça a sans doute semé une petite graine en moi !» Son bac en poche, Yoann décide de traverser l’Amérique du Sud pendant deux mois. A son retour, il s’inscrit à un stage de théâtre à la Royale Académie internationale d’été de Wallonie (AKDT) de Neufchâteau. «Je n’avais jamais lu une pièce de ma vie, mais j’ai adoré me glisser dans la peau d’un autre, donner la réplique. Voyant que je me débrouillais bien, les profs m’ont conseillé de présenter le prestigieux conservatoire de Liège. J’ai été pris au premier tour.»
Yoann n’y restera que deux ans, très vite repéré par le réalisateur Florian Berutti, qui lui offre sa première occasion de briller devant une caméra dans un court-métrage intitulé Tristesse animal sauvage. Les propositions s’enchaînent, lui donnant accès aux longs-métrages : Deux jours, une nuit (2013), des frères Dardenne, aux côtés de Marion Cotillard, Crache cœur (2015), de Julia Kowalski, Eté 85, de François Ozon, ou encore Des hommes (2020) de Lucas Belvaux (sélection officielle au Festival de Cannes). Il y incarne Bernard, un jeune Français de 20 ans envoyé sur le front de la guerre d’Algérie et que le spectateur retrouve dans son âge mûr joué par… Gérard Depardieu. «Même si nous n’avons eu aucune scène ensemble, j’ai été très heureux d’interpréter ce rôle à texte qui a exigé une grande précision et m’a appris beaucoup de choses sur une guerre que je connaissais mal.»
Ce bosseur au look nonchalant s’est découvert une autre corde à son arc en réalisant un court-métrage et dit avoir «kiffé l’exercice». Sauce à part raconte l’histoire de trois destins qui se croisent dans un kebab bruxellois. Entre deux prises de The Hunter’s Son, qu’il tourne en Islande sous la direction de Ricky Rijneke, Yoann rêverait de travailler avec Bertrand Bonello, Mati Diop ou Ladj Ly. «Jouer dans un film à costumes, conduire une voiture à tombeau ouvert comme dans Drive… je n’exclus rien. C’est mon côté caméléon. On fait ce métier pour s’explorer, non ?»
Patricia Khenouna
Photographie principale par India Lange
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